Internet, de par les rencontres multiples qu’il permet, que ce soit au travers des sites de rencontre ou par le biais des voyages sans fin dans la burposphère (je parle de rencontres qui ne vont pas forcément jusqu’à la rencontre physique, ces rencontres que certains qualifient de virtuelles mais — j’ai dû déjà le dire, et je le répèterai — je ne me sens pas plus virtuel devant mon écran que devant un café et j’imagine que pour mes interlocuteurs en face, il en va de même), et de part la proximité à grande vitesse qu’il offre (on déboule en quatrième vitesse dans l’intimité de l’autre, dans l’intimité qu’il veut bien laisser connaître tout du moins), Internet, donc, est un formidable terrain d’observation sur nos contemporains (toi, ami lecteur, moi, nous, eux…).
On trouvera toutes sortes de lignes de démarcation possibles, lignes souvent floues et mouvantes, permettant de séparer, faire le tri, différencier, distinguer, cataloguer : les hommes/les femmes, les Français/les étrangers, les jeunes/les vieux, les cons/les sympas, ce ki ékriv com sa et ceux qui écrivent comme ça, etc.
Il existe une ligne de démarcation intéressante, où sont entassés des deux côtés de la frontière des tas d’individus regardant en face et se demandant si l’herbe n’y serait pas plus verte. Certains la franchissent courageusement, ou manu militari, le regrettent ou s’en réjouissent, retournent aussi vite que possible là d’où ils viennent ou, au contraire, s’épanouissent sur leur nouveau territoire et s’éloignent donc de cette frontière pour profiter de la vie avec leurs concitoyens.
Je parle de la frontière entre les personnes qui vivent en couple et les célibataires.
Comme je le disais, ce qui est intéressant, ce ne sont pas les couples heureux, pour qui tout va — officiellement — bien : notre projet de bébé, notre projet de voyage à Madagascar, notre projet de maison d’architecte, notre projet de soirée échangiste, ni les célibataires enthousiastes à l’idée de ne pas avoir un boulet à se traîner, un autre que soi à supporter au quotidien.
Ce qui est intéressant, c’est de voir ce qui se passe à la frontière, ceux qui tentent de passer clandestinement faire leur marché noir en face, où qui fuient pour retrouver la liberté. Ceux qui gémissent de ne pas avoir leur Ausweiss pour circuler, ceux qui se retrouvent de force du mauvais côté de la ligne.
En zone libre, on trouve les célibataires qui s’éclatent ; on tire des coups en veux-tu en voilà, on compte le nombre de nanas différentes qu’on a chopées depuis le 1er janvier, il semble que la liberté soit avant tout sexuelle, on s’offre le luxe de ne pas être forcément exigeant(e), de vivre des moments merveilleux et d’autres médiocres, et qu’importe, demain est un autre jour qui amènera avec lui les prochaines réjouissances.
En zone occupé(e)(s) c’est assez différent, là où l’on était dans l’éphémère on est dans la durée. Là où l’on était dans le superficiel, on est dans le profond. On construit. On vit quelque chose de beau (je connais beaucoup de couples qui osent encore dire à haute voix « nous vivons quelque chose d’extraordinaire que les autres ne peuvent pas comprendre » — la plupart finissent par divorcer, l’extraordinaire extase se supportant apparemment difficilement dans la durée).
Deux univers distincts, donc, mais où le soleil semble briller ! Et pourtant quand on y est…
Célibat sucks
Être célibataire, c’est sûr, c’est la liberté maxi. Mais le prix à payer cash, c’est beaucoup de solitude. Oh ! pas la solitude pour se faire une sortie le soir, entre potes, célibataires eux aussi, se faire une soirée resto de temps en temps ; ça, on trouve généralement compagnie. Mais qui va aller chercher des croissants ce matin ? Ben moi. Qui va faire les courses ? Ben moi. Qui va faire un bon ptit frichti ? Ben moi. Avec qui regarder la télé le soir, avec qui rigoler d’un truc marrant arrivé au boulot ce matin ? Avec moi, moi, moi, rien que moi. Ou mon téléphone. Et puis il y a le temps qui passe. Pour certain(e)s, l’idée qu’il serait peut-être temps de faire un gamin. Voir son anniversaire arriver et se dire « bon sang, toujours célibataire ». S’apercevoir qu’on voit de moins en moins ses copains qui, eux, ça y est, se sont casés. On peut se moquer de leur vie désormais bien sage et bien réglée, casaniers, mais on se demande quand viendra notre tour, notre histoire d’amour qui ne se comptera plus en jour, un truc un peu plus épanouissant qu’un fuck friend même si c’est le dernier truc à la mode.
Mon couple, ma prison
Vivre en couple… On trouve plein d’équations foireuses pour essayer de résumer en une formule ce qu’est un couple.
1 + 1 = 1 ?
1 + 1 = 3 ?
1 + 1 = 2 ? (Y a-t-il un professeur de mathématiques dans la salle ?)
Mouais, un peu tout ça à la fois évidemment. Chaque couple met en place sa propre définition de ce que doit/peut être le degré d’autonomie de chacun au sein de ce couple. Il y a les couples très fusionnels (mais qui a mon avis finissent vite par imploser) et ceux dit « libres » où chacun a repris sa liberté (notamment sexuelle), le couple ne formant plus qu’une unité « pratique » pour éviter la solitude décrite plus haut, éventuellement parce que c’est pratique pour la maison ou les enfants. Mais la plupart des couples ne sont pas dans ces extrêmes (et plus proche du premier que du deuxième). Comment surmonter au bout de 5, 10, 15, 20, 30 ans… la sensation que l’autre ne changera jamais, qu’il gardera toujours ses défauts auxquels on ne s’habitue pas ; qui au contraire parfois nous énervent de plus en plus, peuvent devenir un dangereux point de focalisation. Comment vivre avec l’imperfection forcément inhérente. Beaucoup y arrivent, trouvent des recettes (parfois un peu artificielles) pour renouveler l’amour, le faire évoluer, passer de la passion des premiers moments à une complicité moins exaltante mais réelle. De plus en plus nombreux sont aussi ceux qui finissent par dire que l’herbe, elle n’est pas forcément plus verte ailleurs, mais elle commence à être bien jaunie ici. À qui les feux de la passion manquent. Ou tout simplement l’envie de sortir du carcan de l’habitude et de la répétition.
Et toi, ami lecteur : te retrouves-tu dans ma psychologie de bazar ? dans quel monde es-tu ? et comment t’y sens-tu ?