[121] Rock it !

medium_eco1_1024.jpg

Comme disait Desproges « Comme disait Himmler en quittant Auschwitz pour aller visiter la Hollande : « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin ». »

Bref, je devais aller au festival Rock en Seine en charmante compagnie, mais il se trouve qu’à La Rochelle est organisé au même moment un festival parallèle qui s’annonce tout autant rock’n roll. Je ne peux pas lutter.

Me voici donc avec dans les mains une place surnuméraire, que j’aurais plaisir à revendre à prix coûtant à qui veut bien m’accompagner (eh oui, ami lecteur, tu as bien lu : je ne te fais rien payer en plus pour le plaisir de ma compagnie), soit 69 €. Il y a des offres qui ne se refusent pas. Surtout avec Radiohead samedi, bordel !

medium_billets_res.jpg

 

[120] Homard m’a sauver

… mon portefeuille.

medium_homard.jpgLu cette brève dans le journal du 11/08 :

Un Brittanique de 30 ans, qui avait perdu son portefeuille lors d’un bain de minuit alcoolisé, l’a récupéré quelques jours plus tard grâce à un pêcheur qui l’a trouvé entre les pinces d’un homard. Depuis, le jeune homme a juré de ne plus jamais en manger.

 

L’histoire ne dit pas si le crustacé kleptomane a eu ou pas la vie sauve, si le jeune homme l’a adopté (« je t’appelerai Winston ») ni si les billets étaient encore dans le portefeuille en question. Je soupçonne une araignée de mer (saloperie de bestioles, ces araignées) d’avoir organisé le larcin.

En tout cas, si le Brittanique n’est pas friqué, il a beau jeu de dire qu’il n’en mangera plus jamais. Moi, à 38 ans, je n’en ai toujours pas avalé un.

Si mon portefeuille est rattrapé un jour par un homard, je jure de continuer de rêver d’y goûter un jour ou l’autre. 

[119] Aujourd’hui, la mer

J’ai retrouvé aujourd’hui la mer. Pas l’océan, non, la mer, la Méditerranée. D’aussi loin que je me souvienne, il n’y a pas eu beaucoup d’années où je n’y aurais pas mis les pieds. Tout parisien que je suis, je me sens dans le Sud beaucoup de racines, en particulier autour de cette Mer Méditerranée (je ne t’imposerai pas le jeu de mot lacanien mère/mer, mais je n’en pense pas moins). Chaque été, quand ils étaient encore vivants, je passais avec ma petite sœur une partie de mes vacances à Cannes (06) chez mes grands-parents maternels. La Croisette n’a pas de secret pour moi.
Après la mort de mon grand-père, ma grand-mère a déménagé pour se rapprocher du centre ville (aucune de mes deux grands-mères n’avait le permis de conduire), mais nous avons continué d’aller en vacances chez elle. Je me souviens du mois d’août 1981 (je n’avais encore que 13 ans). Ma grand-mère nous accompagnait à la gare pour prendre le train du retour sur Paris ; au kiosque à journaux, elle nous demandait de choisir un magazine chacun. Cette année-là, au lieu de l’habituel Picsou Magazine ou autre Pif Gadget, j’optais pour le numéro de septembre 1981 de l’Ordinateur Individuel, numéro que j’ai lu et relu, bien plus souvent encore que les Penthouse planqués sous le tiroir de ma commode d’adolescent. Je pourrais vous raconter comment j’ai par hasard, des années plus tard, croisés les parents du dessinateur Spinga qui avait illustré ledit numéro et dont l’humour décalé faisait mouche (en tout cas sur un garçon de mon âge, qui se satisfaisait de cette alternative à Fantomiald). « Mais, mais, ils m’ont vendu un toaster » était une phrase que ma sœur et moi avons répété des années en continuant de nous bidonner. Vous pouvez beurrer. J’en termine avec cette très private joke et je reprends où j’en étais.

Après la mort de mon grand-père, je continuais donc d’aller à Cannes, mais après le décès de ma grand-mère, ce ne fut évidemment plus possible (mes autres grands-parents habitaient Châtillon-sous-Bagneux (92) largement moins cotée comme station balnéaire). Le relai a été pris par une location collective (par plusieurs des familles de ma fameuse résidence) au Brusc, près de Six-Fours-les-Plages (83). Méditerranée, me revoilà !
J’enchaîne avec plusieurs séjours dans une petite auberge de jeunesse dans la zone protégée des Calanques de Cassis, un truc assez extraordinaire : pas d’électricité, pas d’eau chaude, un confort des plus rustiques mais la nature tout autour et les calanques sauvages pas bien loin où j’allais bronzer à poil sur les rochers avec mes compagnons de chambrée cosmopolites.

Je peux multiplier les exemples de retrouvailles, que ce soit sur la côte française, de Perpignan à Nice, ou à l’étranger. Grèce, Italie, Turquie, Tunisie, Maroc, Espagne…

medium_dansleau.jpg

J’ai retrouvé aujourd’hui la mer. Tout ému par les cris de joie que poussaient mes enfants face aux vagues, j’ai oublié un instant mon rituel de retrouvailles.
Je ne saurais dire quand il a commencé, mais ça remonte à loin dans mon enfance. Je me plante pieds nus  au bord de l’eau, immobile ; les vagues caressent mes pieds et quand l’eau se retire, le sable s’effondre sous mes pieds en chatouillant de cette manière unique la plante. Et je m’adresse à elle. En mon for intérieur, précisé-je, cette habitude date d’une époque où l’oreillette Bluetooth n’existait pas encore et je ne tiens pas à passer pour un taré. Je lui souris, je lui dis que je suis content de la retrouver, j’imagine que c’est un plaisir partagé. Je lui dis qu’elle peut me prendre, mais c’est pour être sûr qu’au contraire, par amour, elle m’épargnera. C’est un moment d’intimité où nous sommes seuls, la mer et moi.

Je n’ai pas eu le temps de lui dire au revoir mais elle sait que l’année prochaine je reviendrai, et si cela doit attendre un an de plus, nos retrouvailles n’en seront que plus belles.

[118] Mon amant

Allez, en musique !

 

 

Je ne sais pourquoi j’allais danser Probablement parce qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre comme distraction
À Saint-Jean au musette, Saint-Jean-de-Losne, chef-lieu de canton de la Côte d’Or, 1476 habitants ?
Mais il n’a fallu qu’un seul baiser Comme ça, là, hop, il déboule et il te le fauche, ni vu ni connu j’t’embrouille ? À d’autres ! Avoue que tu l’avais un peu agiché au moins…
Pour que mon cœur soit prisonnier. Eh ben, il lui en faut pas beaucoup à celle-là pour succomber.
Comment ne pas perdre la tête, Non mais quelles mythomanes, les nanas, c’est pas croyable. Lui, il fait quoi, il la mate, on ne sait pas à quoi il pense. Si ça se trouve, il se dit que cet enfoiré de garagiste (de Saint-Jean) lui a filé un putain de coup de bambou lors de la dernière révision, ou alors elle a un point noir qui l’énerve, ou encore il a une coquetterie et elle ne s’en est pas rendu compte…
Serrée par des bras audacieux
Car l’on croit toujours
Aux doux mots d’amour
Quand ils sont dits avec les yeux
Moi qui l’aimais tant, Moi je dis que c’est facile à dire, « je l’aimais tant » (sous-entendu, lui, non). Elle était juste amourachée parce que c’était un beau gosse, c’est tout.
Je le trouvais le plus beau de Saint-Jean, Saint-Jean-du-Gard, chef-lieu de canton du Gard, 2619 habitants ?
Je restais grisée Ben voyons. Complaisons-nous dans le rôle de la femme victime. Le mec, il l’embrasse, et elle, elle se laisse faire, elle est sans défense, la pauvre. Comme s’il ne fallait pas être deux pour s’embrasser.
Sans volonté
Sous ses baisers.
Sans plus réfléchir, je lui donnais Sans vouloir être mauvaise langue, on n’a pas beaucoup vu comment elle a réfléchi auparavant. Ça ne saute pas aux yeux.
Le meilleur de mon être Oh oui la jolie métaphore. Je te donne ma fleur (encore que, l’histoire ne dit pas si elle était fraîche) et après n’espère rien de plus.
Beau parleur chaque fois qu’il mentait, Pffff, ça s’arrange pas. Qui te dit qu’il mentait, d’abord ? Et puis si tu « savais » comme tu le prétends, tu ne peux pas vraiment jouer la victime, non ?
Je le savais, mais je l’aimais.
Comment ne pas perdre la tête, Notez, amis lecteurs, que la narratrice n’hésite pas à se contredire en l’espace de deux vers. Juste au dessus, elle dit qu’il mentait mais qu’elle le savait. Et là, tout le contraire, qu’elle y croyait toujours. Faudrait savoir ? Il ment ? Il ment pas ? T’y crois ? T’y crois pas ?
Serrée par des bras audacieux
Car l’on croit toujours
Aux doux mots d’amour
Quand ils sont dits avec les yeux
Moi qui l’aimais tant, Des preuves ! Des preuves ! Des preuves !
Je le trouvais le plus beau de Saint-Jean, Saint-Jean-Pied-de-Port (ouais avec un t), chef-lieu de canton des Pyrénées-Atlantique, 1773 habitants ?
Je restais grisée Sans vouloir être mauvaise langue (quoi que, ça va finir par se voir), je me demande si cette nana-là n’abuserait pas aussi de la piquette pour être grisée comme ça non-stop.
Sans volonté
Sous ses baisers.
Mais hélas, à Saint-Jean comme ailleurs Saint-Jean-de-Daye, chef-lieu de canton de la Manche, 611 habitants ?
Ailleurs ? Parce qu’elle a mis les pieds ailleurs que son petit bled ??? Ça m’étonne…
Un serment n’est qu’un leurre Dans « serment » il y a « ment ».
J’étais folle de croire au bonheur, Ah ben oui, je confirme, faut être un peu tarée pour croire au bonheur quand on sait que l’autre ment.
Et de vouloir garder son cœur. Encore que moi j’aimerais bien avoir sa version, au beau gosse. M’est avis qu’il était sincère mais qu’au bout de la 224ème fois où elle lui a demandé « Dis, c’est vrai que tu m’aimes ? », il a dû commencer à en avoir un peu marre de cette meuf.
Comment ne pas perdre la tête, Finalement, la nymphomane du village, elle a un petit côté touchant, non, avec ses faiblesses dans lesquelles tout le monde se reconnaît. Non ?
Non ! Je sais, je suis un sans-cœur. Qu’elle se fasse soigner !
Serrée par des bras audacieux
Car l’on croit toujours
Aux doux mots d’amour
Quand ils sont dits avec les yeux
Moi qui l’aimais tant,
Mon bel amour, mon amant de Saint-Jean, Saint-Jean-Soleymieux (là où a été composé le célèbre « Ô Soleymieux »), chef-lieu de canton de la Loire, 581 habitants ?
Il ne m’aime plus Je ne voudrais pas dire mais ça sentait mauvais dès le début cette histoire.
C’est du passé
N’en parlons plus. Ben tu parles, dans ton bled, ça doit encore jaser. Ça t’arrangerait bien qu’on ne raconte pas partout que la Germaine en a encore fait fuir un.

 

Signalons au passage qu’on trouve dans le texte original une variante un peu datée du texte présent dans la reprise de Tue-Loup [EDIT du 27/11/07 : remplacée par une autre version car celle de Tue-Loup n’était plus en ligne /EDIT] proposée à votre écoute :

Je ne sais pourquoi j’allais danser
À Saint-Jean au musette,
Mais quand un gars m’a pris un baiser,
J’ai frissonné, j’étais chipée

(…)

Ce qui ne change absolument rien au fond de l’affaire.


Special thought to J***, mon amante de Sainte-Xavière à Saint-Bérenger.

[117] Poudre de perlimpinpin

Il y a des choses qui changent et d’autres qu’on imagine immuables tout au long de notre vie. Des choses qui nous auront marqué dès l’enfance, qui dès lors nous paraissent gravées à jamais dans notre système de valeur. Par exemple, depuis tout petit j’aime le jeudi et le chiffre 32. Depuis tout petit j’aime les saucisses que je veux manger avec de la moutarde.

À 6 ans, après avoir entendu Brassens (on écoutait beaucoup Brassens à la maison et j’ai désormais l’intégrale à la maison : qu’est-ce que je disais !) chanter La femme adultère (vous savez, « ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière »), j’ai demandé des explications et j’ai déclaré à la suite :
— Moi, je ne veux pas épouser la femme adultère
— Pourquoi ?
— Parce que je veux coucher tous les jours avec elle

Dans ces choses inamovibles, qui font partie des meubles de ce que nous sommes, je pensais qu’on pouvait mettre la poudre chocolatée.

medium_Nesquik.jpgÀ la maison, chez nous, c’était Nesquick. Mon frère et moi en consommions une grande quantité (mes sœurs, elles, n’étaient pas trop chocolat dans mon souvenir, va savoir pourquoi). Nesquick, à mes yeux, était le chocolat qui se dissolvait le mieux dans le lait froid, car je buvais mon chocolat dans du lait froid. Et puis j’aimais bien son goût.

Il y a eu un mouvement revendicatif à la noix pour le retour de Grosquick, remplacé par ce crétin de lapin. C’était un peu pitoyable et très symptomatique du vide revendicatif de notre génération L’Île aux enfants. Moi, en fait, j’en voulais à l’époque à Grosquick d’avoir remplacé celui d’avant (impossible de trouver trace de ce qui précédait Grosquick, ni dans ma tête, ni sur le net). Je détestais Grosquick. Mais j’adorais le Nesquick.

J’ai passé mon enfance dans une résidence assez spéciale (j’en reparlerai peut-être à l’occasion) où nous les enfants avions une liberté de circulation plus grande que dans une résidence ordinaire, serrures rarement fermées, sonnette facultative. Il en résultait une intimité avec mes voisins assez grande, une connaissance de leur mode de vie plus fine.

medium_Poulain_grand_arome_chocolat_2851.jpgChez les H., par exemple, on buvait du Poulain et on mangeait du pain. Je veux dire : du pain, pas de la baguette. On allait souvent à la boulangerie de la place S*** en groupe et quand moi j’achetais une baguette, eux, famille pourtant moins nombreuse, prenaient deux pains. Je ne sais pas pour quelle raison étrange mais j’ai toujours pensé que le pain était moins bon que la baguette. Manque de finesse probablement. Dans les boîtes de chocolat Poulain, il y avait des images qu’on collectionnait dans des albums. Ils en avaient des tas sur des sujets les plus divers. Ça devait carburer sec sur le chocolat en poudre. Le Poulain, j’aime autant vous dire, malgré ce qu’ils prétendent sur l’emballage, ne se dissout que très mal dans le lait froid.

medium_Ovomaltine.jpgChez les B.,  le chocolat de référence c’était l’Ovomaltine, ou le très proche Tonimalt. Une des spécialités B., c’était la tartine de pain de mie toastée, puis beurrée, puis recouverte de chocolat. Le beurre, sous la chaleur de la tartine sortie du grille-pain, fondait et le chocolat s’accrochait dessus et fondait lui aussi un peu… Miam ! Les B., qui étaient plus riches que mes parents et avaient donc un frigo mieux rempli, ou disons rempli de truc plus chers, avaient aussi deux spécialités industrialo-culinaires qui me transportaient :
— le jus d’orange concentré surgelé (qu’on pouvait sucer comme une glace, mais qui devait en principe se diluer dans l’eau pour faire un jus d’orange de qualité honnête (on trouve la même chose chez Mc Do)
— les Danino. Alors là, là, Monsieur Danone, si tu pouvais nous faire un trip revival du Danino, je suis sûr que tu ferais un carton car à chaque fois que j’évoque les Danino avec ceux de ma génération qui les ont connus, c’est à chaque fois des souvenirs émus qui refluent. Les Danino, pour ceux qui ont raté ça, c’était des sortes de mousse (chocolat ou vanille) qu’il fallait mettre à glacer au freezer (un truc qui a quasiment disparu, le freezer) et qu’on mangeait à la petite cuillère ou avec la langue vu que c’était dans un récipient rond assez plat. Reviens, Danino, reviens ! Parce que la France, elle a besoin de toi…

medium_benco.jpgChez les M., le chocolat était le Benco. Qui ne se dissout pas si mal dans le lait froid, mais qui a vraiment un goût dégueulasse. Enfin, fade. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs culinaires chez les M.. Un des fils M. était — enfin, je peux dire « est » puisqu’il est toujours vivant, à 39 ans, ce qui était fort improbable 20 ans plus tôt — atteint de mucoviscidose et à ce titre astreint à un régime alimentaire spécial très appauvri en matières grasses. Benco devait donc être un chocolat particulièrement maigre. Je me souviens qu’on mangeait chez eux des biscuits Petit-Déjeuner, un truc très sec, carré, mais qui était assez bon à tremper dans du lait chocolaté, justement. La mère des M. était très bonne cuisinière capable de faire des desserts extrêmement sophistiqués dont je profitais peu. Peu de souvenirs gastronomiques chez les M. mais des souvenirs musicaux (le disque Allez les verts qu’on se passait en boucle) et une bonne partie de mes souvenirs d’apprentissage érotique ; j’y reviendrai probablement à l’occasion ! medium_Van_Houten.jpgQue buvait-on chez les L., les T., les G. etc., je ne m’en souviens plus. Probablement devait-on trouver dans certains placards du Van Houten (que je prononce toujours en exagérant l’aspiration du H. Van HHHHHHouten), qui est une horreur pour ce qui est de la dissolution dans le lait froid, mais qui est recommandé pour saupoudrer le tiramisu. Je vous parle d’un temps ou les marques de distributeur n’étaient pas développées comme maintenant ; il n’y avait donc pas de chocolat Leclerc ou Auchan.

Que s’est-il passé pour que désormais je ne supporte plus le Nesquick qui a vraiment un goût de lécithine de soja trop prononcé ? Je dis ça, je n’ai aucune idée du goût que peut avoir la lécithine de soja, ni même ce qu’est la lécithine, ni pourquoi on en met dans le chocolat en poudre et d’autres machins, toujours est-il que le Nesquick en contient et que ce n’est pas bon. Je n’arrive plus à me souvenir quand j’ai basculé vers le Tonimalt, qui a désormais et toujours mes faveurs. Le Tonimalt est légèrement meilleur que l’Ovomaltine et je crains que ne s’approche le jour où Nestlé mettra fin à la production de ce truc, comme ils ont arrêté les Apple Mini alors que c’était des super bonnes céréales à la pomme que je pleure (et mes filles aussi). J’ai remarqué que plein de trucs que j’aimais disparaissent de la circulation ; je ne dois pas avoir le goût assez standard (de même les balisto à la pomme ont disparu, c’étaient les meilleurs ; je ne parle même pas des yoplait quetsche-mirabelle qui étaient démentiels en dépit d’une accroche peu glamour, je le reconnais).

[114] Les deux mondes

Internet, de par les rencontres multiples qu’il permet, que ce soit au travers des sites de rencontre ou par le biais des voyages sans fin dans la burposphère (je parle de rencontres qui ne vont pas forcément jusqu’à la rencontre physique, ces rencontres que certains qualifient de virtuelles mais — j’ai dû déjà le dire, et je le répèterai — je ne me sens pas plus virtuel devant mon écran que devant un café et j’imagine que pour mes interlocuteurs en face, il en va de même), et de part la proximité à grande vitesse qu’il offre (on déboule en quatrième vitesse dans l’intimité de l’autre, dans l’intimité qu’il veut bien laisser connaître tout du moins), Internet, donc, est un formidable terrain d’observation sur nos contemporains (toi, ami lecteur, moi, nous, eux…).

On trouvera toutes sortes de lignes de démarcation possibles, lignes souvent floues et mouvantes, permettant de séparer, faire le tri, différencier, distinguer, cataloguer : les hommes/les femmes, les Français/les étrangers, les jeunes/les vieux, les cons/les sympas, ce ki ékriv com sa et ceux qui écrivent comme ça, etc.

Il existe une ligne de démarcation intéressante, où sont entassés des deux côtés de la frontière des tas d’individus regardant en face et se demandant si l’herbe n’y serait pas plus verte. Certains la franchissent courageusement, ou manu militari, le regrettent ou s’en réjouissent, retournent aussi vite que possible là d’où ils viennent ou, au contraire, s’épanouissent sur leur nouveau territoire et s’éloignent donc de cette frontière pour profiter de la vie avec leurs concitoyens.

medium_demarc.gif Je parle de la frontière entre les personnes qui vivent en couple et les célibataires.

Comme je le disais, ce qui est intéressant, ce ne sont pas les couples heureux, pour qui tout va — officiellement — bien : notre projet de bébé, notre projet de voyage à Madagascar, notre projet de maison d’architecte, notre projet de soirée échangiste, ni les célibataires enthousiastes à l’idée de ne pas avoir un boulet à se traîner, un autre que soi à supporter au quotidien.

Ce qui est intéressant, c’est de voir ce qui se passe à la frontière, ceux qui tentent de passer clandestinement faire leur marché noir en face, où qui fuient pour retrouver la liberté. Ceux qui gémissent de ne pas avoir leur Ausweiss pour circuler, ceux qui se retrouvent de force du mauvais côté de la ligne.

En zone libre, on trouve les célibataires qui s’éclatent ; on tire des coups en veux-tu en voilà, on compte le nombre de nanas différentes qu’on a chopées depuis le 1er janvier, il semble que la liberté soit avant tout sexuelle, on s’offre le luxe de ne pas être forcément exigeant(e), de vivre des moments merveilleux et d’autres médiocres, et qu’importe, demain est un autre jour qui amènera avec lui les prochaines réjouissances.

En zone occupé(e)(s) c’est assez différent, là où l’on était dans l’éphémère on est dans la durée. Là où l’on était dans le superficiel, on est dans le profond. On construit. On vit quelque chose de beau (je connais beaucoup de couples qui osent encore dire à haute voix « nous vivons quelque chose d’extraordinaire que les autres ne peuvent pas comprendre » — la plupart finissent par divorcer, l’extraordinaire extase se supportant apparemment difficilement dans la durée).

Deux univers distincts, donc, mais où le soleil semble briller ! Et pourtant quand on y est…

Célibat sucks

Être célibataire, c’est sûr, c’est la liberté maxi. Mais le prix à payer cash, c’est beaucoup de solitude. Oh ! pas la solitude pour se faire une sortie le soir, entre potes, célibataires eux aussi, se faire une soirée resto de temps en temps ; ça, on trouve généralement compagnie. Mais qui va aller chercher des croissants ce matin ? Ben moi. Qui va faire les courses ? Ben moi. Qui va faire un bon ptit frichti ? Ben moi. Avec qui regarder la télé le soir, avec qui rigoler d’un truc marrant arrivé au boulot ce matin ? Avec moi, moi, moi, rien que moi. Ou mon téléphone. Et puis il y a le temps qui passe. Pour certain(e)s, l’idée qu’il serait peut-être temps de faire un gamin. Voir son anniversaire arriver et se dire « bon sang, toujours célibataire ». S’apercevoir qu’on voit de moins en moins ses copains qui, eux, ça y est, se sont casés. On peut se moquer de leur vie désormais bien sage et bien réglée, casaniers, mais on se demande quand viendra notre tour, notre histoire d’amour qui ne se comptera plus en jour, un truc un peu plus épanouissant qu’un fuck friend même si c’est le dernier truc à la mode.

Mon couple, ma prison

Vivre en couple… On trouve plein d’équations foireuses pour essayer de résumer en une formule ce qu’est un couple.
1 + 1 = 1 ?
1 + 1 = 3 ?
1 + 1 = 2 ? (Y a-t-il un professeur de mathématiques dans la salle ?)
Mouais, un peu tout ça à la fois évidemment. Chaque couple met en place sa propre définition de ce que doit/peut être le degré d’autonomie de chacun au sein de ce couple. Il y a les couples très fusionnels (mais qui a mon avis finissent vite par imploser) et ceux dit « libres » où chacun a repris sa liberté (notamment sexuelle), le couple ne formant plus qu’une unité « pratique » pour éviter la solitude décrite plus haut, éventuellement parce que c’est pratique pour la maison ou les enfants. Mais la plupart des couples ne sont pas dans ces extrêmes (et plus proche du premier que du deuxième). Comment surmonter au bout de 5, 10, 15, 20, 30 ans… la sensation que l’autre ne changera jamais, qu’il gardera toujours ses défauts auxquels on ne s’habitue pas ; qui au contraire parfois nous énervent de plus en plus, peuvent devenir un dangereux point de focalisation. Comment vivre avec l’imperfection forcément inhérente. Beaucoup y arrivent, trouvent des recettes (parfois un peu artificielles) pour renouveler l’amour, le faire évoluer, passer de la passion des premiers moments à une complicité moins exaltante mais réelle. De plus en plus nombreux sont aussi ceux qui finissent par dire que l’herbe, elle n’est pas forcément plus verte ailleurs, mais elle commence à être bien jaunie ici. À qui les feux de la passion manquent. Ou tout simplement l’envie de sortir du carcan de l’habitude et de la répétition.

Et toi, ami lecteur : te retrouves-tu dans ma psychologie de bazar ? dans quel monde es-tu ? et comment t’y sens-tu ?