[91] Un sacré veinard

Passons rapidement sur ma toute première histoire. Elle avait duré quelques mois, trois, et je n’étais pas vraiment amoureux.  Je me souviens que j’avais pleuré un soir. Non pas le fait de la perdre, mais le fait de me retrouver seul.
Elle avait 25 ans, moi 18, cet écart d’âge la travaillait. Moi ça ne me gênait pas du tout. Elle m’avait trompé avec un garçon de 32 ans, le genre petit minet très content, lui, de ne pas faire son âge. Très bêtement, comme elle me disait qu’elle ne savait pas quoi faire, moi je lui ai répondu par le classique « c’est lui ou moi ». On est con, quand on a 18 ans, non ? Enfin, en tout cas je l’étais encore un peu (j’ai changé depuis ;-) et j’aurais mieux fait de réfléchir avant de lui sortir cette petite phrase stéréotypé de mâle possessif. Parce qu’elle a choisi lui. Elle s’appelait M-C***, son pseudo, c’était Capucine. Lui, je ne me souviens pas de son prénom, mais son pseudo c’était Marelle. C’était il y a 20 ans, Internet n’existait pas encore, mais nous n’avions pas attendu l’arrivée du net pour les rencontres appelées (à tort, à mon sens) virtuelles. Nous avions le Minitel™ !

Marelle, si tu me lis, mon salaud, tu m’as piqué Capucine mais un mois plus tard, je t’ai fait pousser les cornes à ton tour, et dans ton propre lit !

Ahhh putain, ça fait du bien, même 20 ans après.


Ma première vraie histoire d’amour a duré 2 ans, ce qui commence a être conséquent. Un amour qui a démarré très vivement, sur les chapeaux de roues, rencontrés en août, revus à deux occasions en septembre, et fait l’amour autant de fois, emménagement en commun dès octobre. Nous étions sûrs de nous. Dira-t-on qu’on avait raison (deux ans de vie commune, tout de même) ou tort (puisqu’à la fin il y a eu échec), je suis de ceux qui pensent qu’on aurait eu tort de passer à côté de cette histoire.

Notre amour s’est éteint doucement, bien plus doucement qu’il n’était né. Comme probablement beaucoup d’autres. Nos différences, nos attentes respectives ont fini par prendre le dessus sur ce qui nous avait rapprochés. La distance, aussi, puisque si la première année, nous avions été un couple très fusionnel (trop, d’ailleurs, j’étouffais), la seconde année, mes études m’ont éloigné d’elle ; nous ne nous voyions plus que le week-end, et pendant les vacances. Je vivais plutôt bien ce rythme alterné, qui m’avait notamment permis de respirer un peu plus, mais la distance n’aide pas souvent à consolider les couples. Mon éloignement était programmé pour durer trois ans ; une seule année aura suffit à nous décider de continuer nos routes séparément.

J’ai eu l’occasion de connaître mon successeur. Pas le successeur immédiat, puisque H*** avait eu une liaison pendant cette deuxième année, liaison qui ne se transforma pas en amour officielle (je n’en ai jamais voulu à H*** pour cette adultère — non, j’aurais préféré ne pas le savoir, parce que cette confession après coup était inutile — mais je lui en ai longtemps voulu de ne pas avoir été à l’origine de notre séparation ; j’avais prolongé notre relation alors que je sentais bien qu’elle était moribonde, condamnée, mais j’avais peur de la quitter parce que je la croyais fragile ; du haut de mes 21 ans, je fus finalement plus courageux, plus réaliste, qu’elle et ses 28 ans). Pas le successeur immédiat, donc, mais celui avec qui H*** a vécu après moi, et qu’elle a finalement épousé (ils ont divorcés, depuis).
Je l’ai trouvé fade, sans relief. On pourrait supposer mon jugement partial (quel jugement ne l’est pas ?). Mais dans l’ensemble, il était partagé par les quelques personnes qui eurent l’occasion de le rencontrer (personnes dont on peut douter également de l’objectivité, vu que c’étaient soit des membres de ma famille, soit des amis communs qui continuèrent de fréquenter H*** séparément de moi).


J’ai vécu plus tard avec M*** une histoire que je ne qualifierais pas d’histoire d’amour. Nous nous étions rencontrés à une époque où nous étions tous les deux en manque. Nous nous étions rencontrés pour baiser. Et c’est ce que nous avons fait. Comme c’était bon, et comme, ma foi, l’autre était d’agréable compagnie, l’histoire s’est prolongée au delà de ce qu’elle aurait pu n’être : qu’une histoire de cul. Mais j’ai senti progressivement que M*** et moi n’étions pas sur la même longueur d’onde ; tout simplement qu’elle s’attachait à moi plus que je ne l’étais à elle. De l’équilibre initial, nous étions passés à des attentes différentes. J’ai donc mis fin à notre relation parce que je savais que plus elle se prolongerait, plus la séparation serait douloureuse pour elle. Elle l’a été, un peu. Pour moi, c’était la première fois que j’arrêtais une histoire sans qu’il y ait consentement mutuel. J’étais du bon côté de la barrière, le côté du bad guy qui fait pleurer la fille.

J’ai connu par la suite mon successeur (je fréquente toujours M***, c’est une des meilleures amies de ma femme). Il ne me regardait pas d’un très bon œil au début. La façon dont une histoire se termine détermine très probablement pour une bonne part la nature des relations qui subsistent entre les deux amants qui se séparent, et leur propre relation avec ceux qui leur succèdent. Celui qui est devenu par la suite le mari de M*** (ils ont trois enfants, et à ma connaissance leur couple va bien) devait se méfier des morceaux de moi qui restaient dans le cœur de M***. Il en restait effectivement un peu, et le temps les a dissout, comme il sait si bien le faire (pour qui n’a pas un problème de mémoire immédiate, ce qui est le cas pour la majorité d’entre nous !).


C*** fut une de mes amantes. Nous ne nous sommes que très peu vus (c’est loin, Périgueux), mais j’étais attaché au fil ténu qui nous liait, à cette possibilité que nous aurions de nous revoir, ou plus simplement de nous donner mutuellement des nouvelles sur ce que nous devenions. Le fil a rompu. Je ne la trouvais pas dans l’annuaire, j’ai fini par lui envoyer une carte de bonne année sur ce que je pensais être son lieu de travail. J’ai eu la chance que cette carte trouve sa destinataire ; nous avons échangés quelques messages. Elle avait rencontré un homme très possessif qui la surveillait jalousement, la reprise de contact ne dura que le temps de ce bref échange.


B*** fut, après M-C***, une brève mais vive amante dont la flamme illumina longtemps le chemin de ma sexualité. Va par là, petit homme ! Le bonheur est sur la route de l’épanouissement érotique.
J’avais 19 ans, elle 28, Istroise, en instance de divorce. Elle m’a accueilli une semaine chez elle.
C’était magique, pour moi. Pour elle, sans doute un peu moins, je sortais à peine de mon cocon et j’avais encore beaucoup à apprendre, surtout sur moi-même, sur mes envies, avant de pouvoir être un amant à sa hauteur.
Nous sommes un peu restés en contact, par la suite, puis elle a fini par épouser un homme, un officier de la Marine. Je ne connaissais que le nom de famille de son premier mari, ni son nom de jeune fille, ni le nom de son nouveau mari. Contact perdu, là encore, et j’en suis encore triste.


J***…

J*** m’a quitté ce printemps et je m’habitue doucement à son absence-présence. Nous avons décidé de rester en contact elle et moi. Ou plutôt, j’ai décidé qu’on resterait en contact, et elle se plie pour l’instant à ma volonté. Elle a besoin de distance, forcément, pour passer à autre chose, se vider l’esprit de moi, oublier un temps mes attentions et le souvenir de ma queue, préparer une pièce accueillante pour le prochain homme qu’elle aimera, une pièce qui ne sera pas peuplée de fantômes, où l’écho ne murmurera pas « comment imagines-tu pouvoir être à la hauteur ? ». Elle a raison. Pour moi, le chemin du détachement de son sourire que je n’ai pas vu depuis plus longtemps encore que son sexe est différent du sien ; pas les mêmes obstacles. Pas les mêmes choses à oublier. Pas les mêmes alternatives qui se dressent devant moi.
Elle est motivée, J***, elle va lui préparer une très jolie pièce, et s’il est généreux, elle sera lui offrir beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Je ne sais pas trop comment j’accepterai celui qui me succèdera dans ses bras. Serais-je capable d’accepter sa présence, ou seulement son existence ? Je suppose que oui, mais pour moi c’est de l’inédit, une séparation dont je ne voulais pas.
Je ne sais pas si je le trouverai fade ou splendide, con ou assez bien pour toi, J***. Je sais en tout cas que c’est un sacré veinard, celui qui te rendra heureuse.


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Bon, je concède que le petit texte qui accompagne le dessin (NB : je revendique la paternité de l’ensemble, fait à la mimine) est, comme dit ba, cucul-la-praline. Mièvrerie assumée, tu es en droit de me chambrer, ami lecteur, ou risquer de t’exposer à mes propres quolibets schizophréniques si tu me dis « Oh ! comme c’est touchant… ».

[89] Ça me la coupe

Ouais, évidemment, j’aurais pu titrer cette note Da Vinci Gode, jeu de mot qui a déjà été fait environ 25 000 fois (d’après Google). Ç’aurait été un peu plus racoleur quoi que légèrement inexact.

Je vous soumets donc deux petits croquis de Léonard de Vinci, effeuillés sur mon éphéméride Taschen 2006 (une merveille, ces éphémérides).

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Tu imagines, ami lecteur, qu’avec des effeuillages aussi affriolants éparpillés en juin, j’ai passé un mois dans un état d’excitation paroxystique ! 

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Il est amusant de noter au passage sur le copyright que ces dessins sont issus de la collection appartenant à Her Majesty Queen Elizabeth II. (Non, je ne sortirai pas non plus le terrible jeu de mot Gode save the Queen.)

[88] Zéro Papier

Vous allez voir que l’UMP va s’en sortir grandie dans cette affaire de sans-papier avec enfants scolarisés.

Au départ, pourtant, c’était plutôt mal barré. Large mobilisation consensuelle (bien que plutôt pilotée par des organisations de gauche) autour du soutien à ces familles menacées d’expulsion, dont les enfants (plus ou moins jeunes) scolarisés n’ont souvent pas connu autre chose que la France. Mobilisation des parents d’élèves, gêne du gouvernement, annonce du traitement « cas par cas », nomination d’un médiateur (le gadget Arno Karlsfeld), bordel dans les préfectures, cris lancés contre l’arbitraire, tout le toutim : la droite était dans l’embarras, Sarkozy obligé de danser sur un pied (nous resterons fermes) et sur un autre (nous serons humains), blabla.

Droite embarrassée, d’autant plus qu’on touche au sacré du sacré dans notre société actuelle : l’enfant. Le petit n-enfant innocent. Moi ça m’a toujours fait tiquer, lors des actes de guerre, de l’on dénombre souvent à part les enfants tués par une bombe, comme si monsieur Michu qui achetait lui une botte de poireaux sur le marché méritait plus (ou moins) de mourir éventré. Comme si la vie de ce gamin qui n’avait simplement pas eu le temps de devenir aussi con et haineux que son papa, valait plus. Or non, elle vaut tout autant, à mon sens. 

Revenons-en à nos moutons.

Ça commençait mal pour la droite, donc, mais voici que se sont mis à vociférer les Le Pen et les de Villiers, à appeler à la surenchère, la tolérance zéro.

Face à un électorat (de gauche comme de droite) globalement plutôt opposé à l’immigration, la droite gouvernementale va avoir beau jeu de prétendre incarner la voix de la modération, de la justice, de l’équilibre réaliste entre la gauche appelant à la régularisation la plus large et l’extrême-droite xénophobe.

[86] Plus j’aime les hommes, moins j’aime les chiens

… et ce malgré une misanthropie légère, née au fil des ans et s’épanouissant avec l’âge. Mais je fais partie mordicus de cette frange de l’humanité qui place au dessus du lot, au dessus des dieux et des animaux, l’homme. Je mets aussi la femme par dessus le lot ; après, de savoir qui prend le dessus de l’homme ou de la femme, on en discutera dans une prochaine note sur le kamasutra.

Je voue un mépris féroce pour les défenseurs des animaux qui n’ont pas trouvé de meilleure cause à défendre que ces pauvres bestioles au cerveau rachitique, incapables de rire devant un dessin du Canard Enchaîné (pourtant, Lefred-Thouron est hilarant, non ?). Y en a qui se plaignent quand l’épouvantail de la politique français vomit qu’il ne trouve pas que l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale ait particulièrement était inhumaine, y en a qui s’indignent que le gavage des oies ne soit pas une manière de traiter ces palmipèdes avec assez d’humanité. Bordel, le foie gras c’est quand même meilleur que le tofu.

medium_delphinarium.gifMon indignation n’a fait qu’un tour en lisant cet article de Libération paru le 21 juillet, spirituellement titré selon la coutume en vigueur dans ce journal « le troisième delphinarium français fait flipper ». Mon indignation serait un coureur cycliste, faire un tour aurait pu prendre du temps, mais là, non, 1,32 seconde a suffi entre le moment où mon cerveau supérieur d’hominidé déchiffrait les caractères imprimés sur le journal (fais-en autant, ami rottweiler arrivé par je ne sais quel coup du destin sur mon burp) et celui où mon cri indigné résonna dans la rame de métro : « Putain mais comment peut-on dire des conneries pareilles sans se sentir immédiatement sidéré par sa propre crétinerie ? ». En réalité, je laissais mes voisins terminer tranquillement leur Sudoku et je criais en silence (un truc que nos amis les canards ne savent pas faire).

Présidente de One Voice, Muriel Arnal déclare donc que ces pauvres dauphins vivants en captivité « travaillent pour les spectacles uniquement motivés par la nourriture ». À croire que selon Muriel Arnal, les O.S. de chez Renault seraient motivés par le grand épanouissement qu’ils retirent en trimant devant leur tourneuse-fraiseuse en faisant les 3×8 (plus que deux cent dix huit enjoliveurs et j’aurai le droit à une sardine).

Je sais bien qu’on dit que les dauphins sont des être dotés d’intelligence, d’un langage, même. Fort bien. Mais les ouvriers du BTP qui bossent au noir et qui crèvent en silence sous la canicule pour construire nos autoroutes et nos Musées des Arts Premiers, est-ce qu’elle s’en tape, Muriel Arnal ? Est-ce qu’elle est vraiment convaincu au fond d’elle-même que le sort d’une quarantaine de dauphins (au bas mot) est une cause plus nécessaire à défendre que la liberté d’expression des journalistes dans les régimes dictatoriaux, que les conditions de vie dans les prisons françaises, que les nègres qui crèvent de faim ou du sida par millions en Afrique ?

Je ne voudrais pas qu’on croit que je pense que parce qu’une cause serait moins importante qu’une autre, elle ne mériterait pas d’être défendue (comme les ânes qui gueulent sur l’argent dépensé pour la culture ou un feu d’artifice alors qu’à côté y a des gens qui ont faim), je parle là d’un fossé, d’un abîme qui sépare ces combats, et qu’ils ne sont pas loin de la maladie mentale ceux qui investissent leur énergie dans la bataille pour les conditions de vie des souris de laboratoires (il y en a qui vont jusqu’à tuer) quand leurs frères humains ont des problèmes un peu plus lourd à gérer qu’un peu de peinture qui s’effrite dans leur bassin (sic).

Et les propriétaires de clebs qui ne ramassent pas leurs déjections sur le trottoir, ils m’emmerdent, au littéral comme au figuré.