Je tiens à rassurer mon aimable lectorat (et moi d’un même élan) en le prévenant qu’il ne voit pas ici démarrer une éprouvante et interminable saga. Il est pour moi bien trop tôt pour vous dire combien d’épisodes comportera cette série numérotée (sur papier vergé), mais à ce jour, une seule et unique femme peut se valoir d’avoir partagé mille et une fois ma couche, et sans vouloir hypothéquer le moins du monde l’avenir de la liaison dont je vais vous livrer ici les prémisses, il est assez peu probable que sa protagoniste soit la deuxième. Je serai mort avant.
En second lieu, constatant une saturation certaine des A**, B***, C*** et autre O*** dans mon abécédaire burpien, je cède à la ridicule tentation de trouver un surnom aux personnages de mes chroniques, jusqu’à ce qu’une autre lubie me saisisse (lecteur fidèle, sauras-tu retrouver dans mes interminables archives un précédent ? il y en a au moins un).
* * *
J’ai rencontré Shéhérazade (j’ai osé !) dans un cosy café parisien suffisamment bruyant puisque l’on puisse parler cul sans alerter la foule parisienne, insuffisamment intime pour que que les voisins ne puissent pas, dans un moment de pause de leur propre conversation, intercepter des mots compte triple comme « trio », « bondage » ou « double pénétration ». Ce qui convient très bien à mon exhibitionnisme latent, surtout après le premier rhum.
Shéhérazade et moi n’avons pas attendu très longtemps entre son premier message, reçu dans ma messagerie (j’aime les femmes qui font le premier pas !) et notre rencontre. Je ne savais presque rien d’elle et de ses envies (ce qui me fait me sentir peu confiant, ne sachant pas en quelle terre érotique je mets les pieds) ; j’avais deux photos d’elle et elle une de moi, ce qui n’avait ni coupé court à notre envie de nous rencontrer, ni fait naître non plus un élan irrépressible de nous rencontrer sur le champ. Business as usual, fait-il, mi-cynique, mi-cabot.
Petit imprévu le jour J qui me fit craindre que nous repoussions à une autre date notre premier rendez-vous ; je balaye l’obstacle d’un revers de la main : non recevable. Je m’installe dans le café, j’envoie un SMS pour signaler ma position, et j’attends paisiblement qu’elle arrive. Nous n’aurons pas beaucoup de temps devant nous, car je laisse pour l’occasion mes filles seules à la maison, et je suis attendu pour mettre la main à la pâte à un DM de maths.
Là voilà qui arrive et me rejoins alors qu’on me sert à peine le verre que j’ai commandé sans l’attendre. Elle goûte mon truc et préfère quelque chose d’un peu moins piquant. Nous commençons à discuter, et j’entreprends mon pilonnage, pour essayer de savoir un peu plus qui elle est et ce qu’elle veut. Mais elle semble intimidée, ne se livre pas, minaude.
Je regarde ses yeux qui brillent d’un éclat polisson. À plusieurs reprises, je me rends compte que je bande sans que la discussion ne s’y prête immédiatement. Des flashs me traversent : envie – qu’elle – me suce – aux toilettes. Il y a quelque chose en elle qu’elle dégage, comme le le parfum d’une fausse innocence. Je la sens rougir des idées qui la traversent mais qu’elle n’exprime pas.
Je reste gentleman. Je ne l’inviterai pas à me suivre au sous-sol. Je prendrai poliment congé d’elle, une fois notre quota de temps épuisé.
La prochaine fois, en revanche, qu’elle ne compte pas sur moi pour rester gentleman.
Shéhérazade est une petite vicieuse (et il se pourrait que ce soit contagieux).
Cette fois-ci, c’est moi qui n’ai pas le temps de m’attarder (pour une conjonction de raisons : alibi chronométré, boulot en retard, fatigue accumulée), mais nous ne renonçons pas à un peu de convivialité (discuter paisiblement autour d’un verre) avant de passer vitesse grand V sous la couette (la demoiselle est frileuse et n’est pas du genre à s’éterniser sur un langoureux striptease façon 9 semaines ½ – et ça tombe bien parce que la scie de Joe Cocker m’agace).
Image pas vraiment contractuelle, mais je retiens de cette image la blancheur de la couette et la chaleur de la scène qu’elle abrite
C’est la quatrième fois que l’on baise ensemble, et je commence à avoir mes repères avec elle, même si parfois, j’ai l’impression qu’elle me parle une langue sexuelle étrangère dans laquelle je ne serais pas encore tout à fait fluent.
Je lui mange la chatte avec un appétit qu’elle remarque. Je remarque d’autant plus qu’elle le remarque parce que, peu avant, une autre amante me l’avait déjà fait remarquer. J’ai l’impression de redécouvrir le plaisir du cunnilingus. Si je tente d’analyser cette impression, je suppose que pendant cette année avec O***, je m’étais mis une pression terrible à essayer de la faire jouir comme ça, et n’y arrivant pas je me sentais maladroit. Ce que je suis peut-être, finalement, mais l’absence de pression me décomplexe. Et puisqu’elle s’en délecte tout autant que ça m’excite, j’enchaîne avec une feuille de rose (Ah ! Mais quel dommage qu’elle n’aime pas la sodomie ! Ce sera mon running-gag).
On avait dit un quicky ! Ah oui. Je me gaine d’un préservatif et avec quasiment le maximum de douceur dont je suis capable quand je suis bien excité. Et pas de période réfractaire. Alors nous continuons et je finis par jouir « pour de vrai » en missionnaire, ce qui me vaut une taquine moquerie pour ce qui serait un excès de romantisme.
Soyons romantique : merci pour ce très beau double orgasme, sweety!
Ça fait depuis le CM2 au moins qu’on se connaît, peut-être cela remonte-t-il même au CE2, quand je suis arrivé à l’école primaire B*** après mon déménagement. Je pourrais interroger mes photos de classes, mais dans ma mémoire, je ne remonte pas avant le CM2, où j’ai en tête des images de cour de récré où nous jouions ensemble. Je n’étais pas une « fille manquée » mais je faisais partie des garçons pas passionnés par le foot et je fréquentais donc des filles, dont toi, et des garçons qui ne jouaient pas forcément au foot ou à l’élastique (il m’est arrivé occasionnellement de jouer à l’un comme à l’autre). Nous avions des jeux mixtes, de gendarmes et voleurs, d’osselet, etc., ou bien, tout simplement, on tapait la discute.
Arrivé au collège, nous faisions partie de la petite bande de copains qui se retrouvaient presque systématiquement à chaque récré et à la pause du déjeuner, avant ou après la cantine, du côté de la haie, sur une petite butte à droite de la cour, contre le mur qui nous séparait de la forêt. Si ma mémoire est bonne, les groupes mixtes n’étaient pas si fréquents au collège, où c’était plutôt les filles d’un côté et les mecs de l’autre (amis lecteurs, c’est le moment de ressortir vos souvenirs).
Tu faisais donc partie de mes très bonnes copines, tu étais la meilleure copine de ma meilleure copine (qui habitait juste à côté de chez moi, et chez qui j’allais souvent squatter le mercredi après-midi ou le week-end. Cette meilleure copine en pinçait peut-être pour moi – elle ne me l’a jamais dit, mais elle eut un jour un comportement qui me fit douter (j’y reviens plus bas) – mais, pas de bol, moi c’est toi que je kiffais grave (NB : je signale à la jeune frange de mon lectorat que cette expression est grave un anachronisme). Je ne sais plus dire non plus à quel moment je me suis dit que j’étais amoureux de toi ; avant l’adolescence, ce concept était un peu abstrait, mais avec la poussée d’hormones, je suis devenu un masturbateur compulsif de la main droite, tandis que mon comportement, gauche, me faisait désirer beaucoup de jolies jeunes filles de mon entourage de façon désordonnée (un jour je tripais sur É*** et le lendemain M*** m’accompagnait dans mes fantasmes pré-hypnotiques), mais n’en séduire aucune, vu que j’étais bien trop inhibé pour déclarer ma flamme à quiconque ni même tenter la moindre approche. J’étais juste le bon copain.
En quatrième, je suis tombé raide-dingue d’une sérieuse concurrente à cette bande de jeunes filles en fleur parfumées au Biactol : l’informatique. J’ai embrassé (avec la langue) cette profession dans le CDI du collège en découvrant (et en apprenant quasiment par cœur) un ouvrage de vulgarisation sur le sujet où il y avait même, dans les annexes, une vraie carte perforée (là encore, je m’adresse à mes jeunes lecteurs : cherchez juste pas à comprendre, jeunes cons).
Il me restait quand même un peu de cerveau disponible pour être amoureux de toi, A***, et après des semaines d’hésitation moite, j’ai fini par te rédiger ma déclaration d’amour sous forme d’organigramme. « Salut. M’aimes-tu ? Si oui, GOTO tralala ; si non, GOTO chercher un tanière profonde pour cacher ma honte et digérer mon chagrin. » (J’ai l’air de plaisanter ?)
Après moult transpiration là encore, j’ai réussi à planquer l’enveloppe qui contenait les premières lignes de code de mon programme amoureux dans ton cartable pendant un cours d’allemand, et chaque jour qui suivit, je me rendais au collège dans un état d’intense fébrilité, attendant ta réponse.
Le lendemain, rien.
Le surlendemain, pas plus.
Imaginez l’état dans lequel j’étais une semaine plus tard, n’osant évidemment pas te demander ta réponse, encore moins pourquoi tu ne me répondais pas. Je finis par me confier à notre meilleure amie commune, qui t’a donc transmis le message, et le lendemain, j’ai eu ton…
j’ai eu ton…
j’ai eu ton OUI !
Putain que j’étais heureux !
Je passe sur l’épisode avec É*** (je pense qu’il y a eu là intervention pas très bienveillante de la copine, d’où mon soupçon qu’elle fut jalouse) qui voulait me casser la gueule à la récré, soit disant parce que je lui avais piqué sa copine qui venait d’accepter de sortir avec lui (soit dit en passant, A***, je n’arrive pas à croire que tu aies pu dire oui à ce lourdaud). J’ai eu le droit à son poing dans la gueule le jour où je n’ai pas couru assez vite à la sortie du collège (je vous rappelle que je n’étais pas foot, donc pas baston non plus), suivi quasiment immédiatement de ses excuses quand il a appris que ma déclaration était antérieure à la sienne, même si ta réponse fut postérieure, du fait de mon enveloppe trop bien planquée dans ton cartable (tu ne l’avais pas trouvée, en fait).
Nous étions donc officiellement amoureux l’un de l’autre, mais nous n’étions pas sortis de l’auberge. Il fallait donc maintenant nous embrasser. Je passais désormais mes après-midi libres et des bouts de week-end chez toi, quand tes parents nous autorisaient à nous voir, car ils étaient très stricts sur ton temps de devoir.
Et là, nous sommes partis sur encore de très longues tergiversations.
— On le fait, là ?
— Ouais ! On le fait !
(…)
— Bon, on le fait, là ?
(…)
— Et si on mettait de la musique pour s’ambiancer ? (trop de la balle, cette expression, c’est R. qui me l’a appris, total anachronique aussi, NDLR)
Notre tube, c’était L’été indien de Joe Dassin (que je connais absolument par cœur pour l’avoir entendu whatmille fois), mais Carlos tentait aussi de nous encourager avec son plus jovial Big Bisou (que j’ai connu par cœur aussi mais dont mon cerveau snob a réussi peu ou prou à planquer dans un recoin sombre de ma mémoire).
Nous avons essayé de créer une intimité plus propice à notre premier attouchement buccal dans ton tunnel-crocodile. Ça n’a pas marché non plus.
Des semaines se sont écoulées avant qu’une après-midi, par je-ne-sais quel miracle, nous avons enfin trouvé tous les deux le courage de nous donner ce baiser. Je me souviens de notre maladresse, de nos hésitations, de mes bagues orthodontiques qui ont cognés tes dents, de la gêne qui en a résulté, et je garde, plus de 30 ans après, un souvenir d’une émotion sans plaisir. Je ne suis même pas sûr que nous ayons eu un 2e baiser. Un peu de temps a passé, et tu as fini par me larguer, peut-être impatiente de trouver un garçon un peu plus audacieux.
Voilà à quoi je peux résumer cette première amourette : un organigramme, un coup de latte, un baiser (coucou M’zailes !), que dis-je, un Tiny bisou goût métal, et rideau.
Ensuite, je suis tombé amoureux des palanquées de fois, mais sans le moindre succès, quelques déclarations d’amour écrites (pas capable de faire autre chose) repoussées poliment, cinq ans de patience avant de retrouver une fille qui veule bien m’embrasser et me dépuceler dans la foulée (cf. ma Journée particulière) – pour le coup, ce fut un baiser chargé d’émotion et de plaisir, et je m’en souviens des plus vivement.
Nous sommes restés copains jusqu’en seconde, et puis là, notre meilleure copine commune et toi, vous avez un un tournant hard-rock, nous nous sommes éloignés, puis complètement perdus de vue après le lycée.
Penses-tu encore à moi ? Sans certitude, je crois que j’étais, pour toi aussi, le premier baiser. A-t-il pour toi ce même goût étrange de la première fois, si intensément attendue, mais finalement décevante – la montagne qui a accouché d’une souris – ou lui trouves-tu une autre saveur ? Es-tu saisie par l’étrangeté du contraste entre nos compulsions de jeunes ados (étais-tu une petite branleuse à cet âge ?) et la timidité de nos ambitions amoureuses ? Quel souvenir gardes-tu de ton prétendant à nos amours balbutiantes ? Te demandes-tu ce à quoi pu ressembler la liste de mes histoires de cœur et de cul dans laquelle tu portes le numéro 1 ?
Moi, je pense encore à toi et j’ai longtemps eu envie de te revoir, caressant même l’espoir de te re-séduire pour jouer à donner une suite un peu plus hardcore à ce baiser raté. J’ai failli te revoir lors de la fête que j’ai donnée pour mes trente ans ; j’avais envie de revoir quelques anciennes têtes de ma jeunesse, tu aurais pu dire oui mais tu avais un autre engagement à cette date, et quand tu as essayé de me rendre la politesse quelques mois plus tard, c’est moi qui n’ai pas pu.
Je t’ai googlée, j’ai essayée de te retrouver sur les réseaux sociaux. J’ai trouvé dans l’annuaire ton numéro de téléphone, j’ai tenté de t’appeler plusieurs fois mais ça n’a jamais décroché, j’ai songé à appeler chez tes parents qui n’avaient pas déménagé, mais je n’ai pas osé. Et puis j’ai fini par trouver une photo de toi où je n’ai pas reconnu la magnifique jeune fille que tu étais, et mon rêve de reviens-y nostalgique est parti en fumée. Mais tu restes ma numéro une à tout jamais. Adeline, ma Valentine.
Vivons heureux en attendant la mort ! Tel était le mot d’ordre de Pierre Desproges, empreint certes d’un scepticisme sombre qui eut sis à Cioran, et si je ne partage pas celui-ci, je fais tout de même mien celui-là.
Je cours, je cours, je cours, en ce moment, je cours comme un dératé le guilledou ; je cherche celle qui, un instant, un long instant, et si possible aussi celui d’après, me fera oublier que je suis mortel, ou plus précisément me rappellera que je suis vivant, et que la baise étant à ce jour mon plus fiable et régulier apport en vives exaltations identifié dans cette vallée de larmes, c’est aujourd’hui et non demain que je veux danser.
Je baise, donc je vis.
Je suis peut être un monstre, un extra-terrestre, mais je ne mets pas de hiérarchie dans mes souvenirs émerveillés entre l’accouchement et la naissance de ma première fille, la lecture du sublime Maus d’Art Spiegelman et la baise de cette jolie salope de F*** bottée, enculée très inconfortablement mais fort orgasmiquement dans le coffre de sa voiture. Rien, dans cette courte liste, n’est comparable à rien, et aucune émotion ne peut se substituer à l’autre. Elles sont, et elles perdurent.
Je cours, je cours, je cours, à la recherche de la prochaine qui écrira avec moi, en lettres vibrantes de foutre et de mouille, le prochain fait d’arme au panthéon de mes mémoires lubriques.
Je cours, je cours, je cours aujourd’hui, car je ne sais pas si demain je pourrais baiser encore. Un jour, peut-être, je courrai avec une béquille chimique, mais maintenant – oui, là, maintenant – je cours à perdre haleine et je suinte un désir poisseux dont aucune douche ne me débarrasse, et sur lequel, avec délectation, je vous regarde vous engluer, ô ma semblable !
J’ai découvert V*** sur la toile quand je faisais mes débuts de burpeur, en 2006. À l’époque, nous partagions le même hébergeur, haut & fort, et sans doute pour des raisons solides mais que j’ai aujourd’hui oubliées, il en était de même pour une bonne partie de « ma » burposphère telle qu’elle se dessinait alors. Clic, clic, clic, il suffisait de quelques sauts de souris pour trouver d’autres univers connectés aux nôtres – connectés par des contenus similaires, j’entends. J’ai été tout de suite sensible à la force érotique qu’elle dégageait, certainement parce que c’est quelque chose que je ne rencontrais pas souvent sur les burps, a fortiori chez une nana. V*** me semblait alors un petit animal sauvage, un concentré d’énergie, d’énergie sexuelle et solaire, inapprochable et, de fait, inapproché de moi.
Comme la miss était du genre exhibitionniste et pas prude, elle nous livrait de nombreuses images, suffisamment trafiquées pour conserver son anonymat, et suffisamment explicites pour nous donner la trique. Je lui faisais des « coucous », des « eh ! V*** ! T’as vu, chuis là ! » mais sans doute ma mâchoire béante d’où s’écoulait un filet de bave concupiscente n’éveillait en elle qu’un intérêt poli.
Je suis d’un genre fidèle, vous savez. Quand j’aime un jour, j’aime pour toujours. Mon lecteur RSS s’encombre d’une rubrique in memoriam où s’empilent les burps morts, plus alimentés, mais pas encore éradiqués de la toile, dans l’espoir vague qu’il en émerge un jour ou l’autre, signe de vie. Et cela arrive parfois. À chaque fois que V*** repointait le bout de son nez, j’étais là pour lui dire « Ô ma reine, vous avez un joli nez », et parfois Cléopâtre m’accordait-elle un sourire, me faisait l’honneur d’une visite sur mon burp, toujours avec un mot aimable. La classe !
Ce fut une sacrée surprise quand, après un énième appel du pied lancé plus pour coller à ma réputation que dans l’espoir de concrétiser quoi que ce soit que je sentis le petit animal sauvage s’approcher et me renifler de très près (ces bêtes-là ont un odorat fort développé et pas la moindre pudeur qui les retiendrait de me flairer au niveau de l’entre-jambes). Sans m’en rendre compte, j’avais fini par l’apprivoiser. Pour renoncer à ma métaphore exupérienne et m’approcher plus de la réalité, nos routes presque parallèles avaient fini par se rejoindre.
Le rendez-vous fut donc posé dès que possible, sur le créneau le plus large qu’il nous fut aisément possible : une pleine après-midi. Nous nous étions mis d’accord :
J’allais la recueillir à la gare, nous déjeunerions au restaurant puis GOTO hôtel (½ RTT posée pour la circonstance).
▪ ● ▪
J’arrivais à peine à y croire. Six ans après sa découverte, j’allais rencontrer cette icône de l’éroburposphère, ce Graal du cul ! Régulièrement, à la perspective de ce rendez-vous que j’avais avec elle, je sentais mon sexe se gonfler par anticipation de cette rencontre. Excitation qui se teinte de stress, le jour J, alors que je suis toute la matinée en réunion avec mon nouveau chef (qui est déjà stressant en soi).
Je suis traversé par la crainte que ce stress me fasse secréter une sueur âcre, comme cela m’arrive parfois, mais cette crainte est tempérée par une sérénité, celle qui m’a portée jusqu’à V*** et qui ne m’a pas quittée, cette quasi-certitude que nous serions compatibles.
Mon interminable réunion touche enfin à sa fin et je filer au parking enfourcher mon scooter pour rejoindre la gare de Lyon. Son TGV a juste le retard qu’il faut pour qu’aucun de nous deux n’ait à attendre l’autre.
Quelques minutes nous séparent de l’impact, je parcours le hall des pas gagnés à la recherche du point de rencontre négocié par SMS. J’aperçois une silhouette menue, qui me sourit. Ce fut d’abord un choc de la découvrir le crâne presque nu, d’autant plus que – ne me demandez pas pourquoi : je ne sais pas à la suite de quoi ! – je l’imaginais frisée, ressemblant à une Mylène Farmer jeune. Certes, il y avait eu dans un de ses messages une allusion qui m’avait fait supposer qu’elle pourrait avoir les cheveux courts, mais je ne m’attendais pas à si peu. Pendant une minute, j’espère que je ne laisse pas transparaître cette déception de la trouver moins immédiatement séduisante que je ne l’espérais. Et puis cette crainte se volatilise très vite, parce que je suis toujours porté par cette foi inébranlable – elle – en notre compatibilité. (Et puis, d’une certaine manière, une autre amante – A*** – m’avait préparée en me permettant de constater qu’une femme pouvait être très charmante tout en ayant les cheveux très courts.)
La question est maintenant de savoir si je me vois plus dans le rôle de l’alien ou du petit singe.
Je ne me souviens plus de la teneur des premiers propos que nous avons échangés, et pourtant c’était la première fois que j’entendais sa voix et elle la mienne. Nous nous étions lus, d’abord, écrit, ensuite, nous avions scellé un pacte pour nous envoyer en l’air sur la seule foi de notre connaissance on-ne-peut-plus désincarnée sur ce que nous étions à l’intérieur. Et nous voilà brusquement confrontés à nos enveloppes physiques. Il faut pourtant trouver autre chose à dire que « Salut ! c’est bien avec toi que j’ai prévu de baiser toute l’après-midi dans une chambre d’hôtel ? » alors on trouve autre chose, on parle du restaurant qu’il va falloir trouver, où l’on avait prévu de commencer à s’apprivoiser l’un l’autre, du scooter garé par là, de la météo ou de la ponctualité de la SNCF.
Quelques minutes plus tard, elle est donc casquée, derrière moi, ses mains me ceinturent. Sans qu’elle se serre ostensiblement contre moi, je sens tout de même sa confiance, son désir… et j’apprécie sa douce présence.
Tout en conduisant, je joue les guides touristiques en espérant ne pas avoir trop l’air du parigot déballant sa science à une provinciale comme si elle mettait pour la première fois les pieds à Paris. « Ici, la dernière vespasienne de Paris ! »
Nous jetons notre dévolu sur un restaurant italien où nous nous installons, seuls, en terrasse. Le restaurant est presque vide et je crains que ce ne soit une gargote mais nous n’avions pas envie de passer des heures à chercher une table. Et puis il s’est avéré plus que correct. Nous avons pris le temps de déguster nos plats et de faire un peu plus connaissance, en allant au delà de ce que nous racontons l’un et l’autre sur nos sites respectifs, même cet échange me permet de réaliser que la femme en face de moi était celle que j’imaginais, sans artifice (et je formule le vœu qu’elle ait eu un sentiment analogue), entière, mais avec un visage, un corps… Que j’étais de plus en plus impatient d’enlacer…
L’heure tourne en effet, et nous avons faims de nourritures plus… disons… spirituelles. Nous chevauchons à nouveau mon scooter pour gagner un petit hôtel Porte d’Orléans qui s’avèrera tout à fait honnête pour nos activités malhonnêtes. Pelotage presque trop évident dans l’ascenseur. Découverte de la chambre avec vue sur les toits parisiens, et dans un coin on aperçoit ce que je sais être un vestige de la ligne de chemin de fer Petite Ceinture, un autre joli endroit de « mon Paris » que j’aurais aimé lui montrer en reprenant ma casquette de guide.
Assez vite, nos corps sont nus. Et puis assez vite mon sexe dans le sien ; nos sexes s’emboitent parfaitement. J’avais parlé ici de cette amante qui s’était presque étonnée que je lui propose un missionnaire pour démarrer nos ébats, et m’avait tourné le dos pour que je la prenne en levrette. V***, à l’inverse, veut surtout un face à face, et sentir ma poitrine sur la sienne. Je fais de cette attente mon envie, et je me sens porté par une volonté de ne faire quasiment qu’un avec l’autre. Mes bras se glissent sous son dos, sous ses fesses, et l’attirent vers moi plus fortement encore. Ma main qui remonte arrive sur son crâne garni d’un léger duvet de cheveux, et se surprend à trouver cette caresse agréable, comme si elle me rapprochait d’elle au plus intime. J’y reviendrai souvent, avec bonheur, dans cette après-midi.
Nous venons de sortir de l’épisode caniculaire de cet été parisien mais la chaleur est encore là. Les rideaux sont tirés, non pour nous dissimuler d’éventuels regards (au contraire, cela nous chagrine presque de ne pas nous exhiber) mais pour éviter au soleil de nous cuire plus encore. Quelques douches s’avèreront nécessaire pour faire baisser un peu la température et éviter de couler une bielle ; nous tournons tous les deux à plein régime, insatiables. Je ne me lasse pas de plonger entre ses jambes pour baiser son sexe doux. Ma bouche dévore tout, ma langue s’immisce dans chaque repli de sa chair vibratile et va interroger son œil qui palpite. Sa bouche dévore tout, tète mon sexe avec gourmandise, glisse sur ma hampe et gobe mes couilles, excite mes tétons, viole ma bouche.
Plus tard.
Allongée sur le lit, je viens de la lécher, j’enfile un nouveau préservatif et je viens me loger dans sa chatte. Elle passe ses bras autour de mes épaules, je saisis ses hanches, l’embrasse, et avec obstination, je déclenche mes coups de reins pour aller chercher au plus profond des sensations délicieuses qui irradient mon gland conquérant.
Plus tard.
L’après-midi touche déjà à sa fin et le moment approche où nous allons devoir quitter cette chambre pour qu’elle prenne le train du retour. Aucun de nous deux n’est rassasié. Je me caresse, pour elle, et elle me rend la politesse. Mon orgasme est capricieux, fuyant. Je crois l’apercevoir, pars à sa poursuite, et le voilà qui m’échappe… Je soupire, repars à sa recherche. Je la caresse en même temps, je lui dis comme elle m’excite. Je lui glisse à l’oreille « la prochaine fois, je t’encule » et c’est comme si je venais de faire sauter son transfo.
Nous jetons là l’éponge. Le prochain round, ce sera pour plus tard, un jour incertain. Une douche rapide, nous nous rhabillons. Ça n’était qu’une chambre d’hôtel, avec vue sur les toits de Paris, c’était une chambre comme un autre à notre arrivée ; c’est un lieu rempli de nous que nous quittons. Sur cette carte postale de ma mémoire secrète, une légende « Ici, V*** et J***, burpeurs, se sont rencontrés le 16 août 2012, ont baisé, et c’était bon ».
J’ai craint que nous soyons un peu ric-rac pour attraper son train, mais finalement, nous avons le temps de nous poser et de nous dire proprement au revoir. Une dernière cochonnerie (gentillette) dans l’escalator de la gare… Les adieux traditionnels sur le quai, badins, accompagnés de la frustration que ce soit déjà fini et l’inquiétude, légère, de ne pas savoir quand aura lieu la prochaine fois… Et elle me fait disparaître avant le départ du train, sans doute pour se retrouver et ne pas me voir agiter un mouchoir blanc sur le quai.
Je rentre ensuite chez moi remonté comme un ressort d’une excitation qui n’est toujours pas retombée. Je suis à peine arrivé que je dois passer à table ; juste après le dîner, enfin, je peux aller me branler pour calmer un peu mes ardeurs mais le soir, comme les jours qui suivent, l’envie qui ne me quitte pas de baiser, accompagnée de la crainte de ne pas retrouver dans mes prochains ébats la même intensité.
▪ ● ▪
Elle m’a demandé quelques jours plus tard ce que j’avais pensé, quand nous étions ensemble, et ceci fut peu ou prou ma réponse :
Ce qui se passait dans ma tête ? Ma foi, pas grand chose que tu n’aies pas entendu ou senti. Du désir, du plaisir, de la gourmandise… Du naturel. J’étais bien avec toi. J’étais bien en toi. Et puis je sentais que tu en avais tout autant que moi, du plaisir, du désir ; j’avais l’impression que nous étions deux artistes répétant pour la première fois ensemble leur numéro, et étant immédiatement accordés. Pas de fausse note. J’aimais ton corps souple et mince qui me faisait me sentir plus puissant encore (oui, tu m’as fait me sentir « viril » – même si ce n’est pas une sensation que je recherche, n’ayant aucun besoin d’être rassuré sur ce sujet, et assumant très bien mon côté féminin – mais j’ai aimé me sentir ainsi avec toi). Ému quand tu me demandais de me coller à toi, pour (j’imagine) sentir mon corps peser sur le tien, approcher de la fusion…
Oui, j’ai aimé cette complicité que nous avions tous les deux, que je n’ai pas sentie s’éloigner une seconde, pour preuve la facilité avec laquelle nous avons parlé d’ondinisme et poursuivi, dans la foulée, les travaux pratiques (ce n’est qu’un exemple, pas forcément ce qui m’a fait le plus vibrer dans ce que nous avons vécu ensemble, mais sans doute un sujet délicat, révélateur de la grande confiance en son partenaire qu’il demande pour l’aborder).
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