[878] Œil rouge, œil noir

Noire, la chambre de l’hôtel portant d’ailleurs ce nom.

Rouge, le jeté de lit, comme un présage.

Noir, mon costume, que je mets cette fois, n’ayant plus peur de « t’intimider » sans jean.

Noire ma chemise, parce que je voulais pouvoir me camoufler sur un mur de la chambre.

Noir mon œil brillant de désir quand tu m’apparais.

Rouge, ta jupe satinée qui embrase tes fesses et ton sexe sans la protection d’une culotte ignifuge.

Noir, ton haut qui découvre tes épaules et épouse tes seins nus.

Rouge, ma cravate, que tu me laisseras autour du cou après m’avoir déshabillé.

Noir, tes bas que tu as docilement enfilé sur tes jambes pour me rejoindre, suite à ma demande expresse.

Noirs, tes escarpins et hauts, tes talons. – Avais-tu déjà posé tes talons sur un torse ? te demandé-je tandis que je joue avec eux.
— Oui !

Rouge, la robe de papier de soie qui recouvre la bouteille de vin (blanc) qui accompagnera notre soirée.

Noire, la boîte de préservatifs qui accompagnera aussi notre soirée et ponctuera chacun de mes élans dévorants vers ton sexe.

Rouge, le flux cataménial qui décidément s’invite à nos rencontres sans réussir à réduire nos élans (tout juste un peu de compassion pour le blanchisseur qui réparera nos dégâts).

Rouges, les poivrons farcis, auquel on ne goûtera pas, tant notre appétit se porte sur d’autres nourritures (célestes !)

Rouges, et charnues, les fraises dans lesquelles nous mordons en rêvant d’été.

Rouges, nos joues, rouges nos oreilles, trahissant l’émotion et l’excitation qui est la nôtre.

Rouge, le ruban qui entoure chacun des quatre mots que tu as avec attention écrits à la main pour attirer la mienne.

Rouges, tes fesses, après chaque lecture. Mais ? mais ?!

Rouge, ton plexus, tandis que tu guettes (inquiète ?) l’orgasme qui fait mine de s’approcher mais ne viendra pas.

À votre santé, Monsieur CUI !

Rouge, la ligne que nous franchissons, laissant le temps s’écouler, incapables de décoller l’un de l’autre, qualifiant encore de raisonnable l’heure, qui ne l’était plus depuis longtemps, de rentrer chacun chez soi retrouver notre conjoint.

 

[876] (zut j’ai oublié le titre)

Je vous glisse un extrait de la newsletter d’Arrêt Sur Images, un site sérieux, lui (même s’il essaye de surfer sur le succès de mon burp en choisissant son nom accrocheur), parce que les extraits proposés sont vraiment … édifiants.

Un prophète, sur le plateau de cette semaine ? Mais oui ! Emmanuel Todd avait prévu l’écroulement soviétique. Il avait prévu le déclin américain. Il fut aussi l’un des seuls, dès 2007, à l’encontre des idées reçues, à diagnostiquer l’entrée des Arabes dans la modernité. Les démographes sont d’étonnants cuisiniers. Prenez une pincée de taux de fécondité, une cuillerée de taux d’alphabétisation, et vous obtenez une photo des sociétés, bien plus ressemblante que les diagnostics d’économistes ou l’alarmisme médiatique. Mais il est vrai que le sensationnalisme se vend mieux que les bonnes nouvelles. Sur bien des sujets (l’Islam, l’Allemagne, la Russie), quel plaisir d’entendre quelqu’un qui ne s’encombre pas des prudences habituelles. A l’heure où tous les écrans nous renvoient l’image obsessionnelle d’un Zemmour, le vrai anticonformiste, c’est Todd ! Regardez-le, écoutez-le, c’est un régal.

Notre émission est ici.

Et pour voir la chronique de Didier Porte sur Zemmour, justement (avec réaction décoiffante de Todd) c’est là (3).

De salubrité publique !

[875] DSQ

Je pense que les maquettistes de la presse font rien que nous rappeler en permanence que DSK, à défaut d’être candidat à la présidence de la république française, est un chaud lapin exprès.


Mise à jour du 15/05/2011 : sans présager de l’issue de l’affaire du jour, dont on sait encore trop peu de choses, voici en tout cas une note qui reprend d’un coup une sacré actualité. Je ne sais pas quelle est l’ambiance rue de Solferino, mais comme chantait l’autre « Y a l’feu au QG, le feu au QG… »

[874] Trop tard

Pour la drague comme pour le ski, il vaut mieux évaluer son niveau avant de s'engager sur une pente glissante

Quelque chose comme mardi.
Je suis dans la file du téléski Grands Bois, en bas de la piste rouge où de nombreuses écoles et club de ski s’entraînent au slalom. La plupart  sont des minots pré-pubères, nés l’étoile en argent dans la bouche, habillés en tenue aérodynamique quand je porte une tenue molletonnée qui laisse planer une douce ambiguïté sur la circonférence de mon ventre. Malgré mes nombreuses années de pratique, tous me pulvériseraient sur n’importe quelle descente. Parmi ses morveux qui n’essayent même pas d’être polis en vous grillant allègrement la priorité pour vite s’enfourcher un gros bâton avec un bout en caoutchouc entre les jambes pour vite faire la prochaine descente pour vite être champion du monde ou de la région ou moniteur au visage buriné par les UV ou plongeur à La Marmotte rieuse – spécialités savoyardes, une femme un peu plus âgée, une jeune femme quand même à qui je suis incapable de donner un age (20 ? 25 ? plus ? moins ?), queue de cheval châtain, portant le blouson British Ski Academy. Ce doit être l’entraîneuse des rosbifs pas moins morveux ni plus polis que leurs homologues locaux. Elle se tourne vers moi et me lance un immense sourire. Le temps que mon cerveau décode l’information « Jérôme, une jolie fille te sourit » (oui, parce qu’elle est ravissante en plus), qu’il ordonne à mes muscles faciaux d’adresser un sourire en retour, elle a déjà filé vers les sommets sans avoir le temps d’apercevoir l’affreux rictus qui s’est laborieusement dessiné sur mon visage.

– = –

Quelque chose comme le lendemain.
Même endroit.
Même scène.
Je me suis encore fait prendre par surprise.
Sourit-elle à tout le monde de façon aussi spontanée et désarmante ? Me trouve-t-elle irresistible avec mon blouson Wedze marron ? J’en parle avec mes amis qui skient avec moi mais n’ont pas repéré la créature.

– = –

Quelque chose comme le jour d’après ou le suivant, on s’approche de la fin de la semaine. Nous sommes sur la piste mythique de Kandahar, je retombe sur elle et quelques pupils. Encore un sourire auquel j’arrive à répondre à temps. Peut-être même quelques mots échangés, je n’arrive plus à etre sûr. Et puis, zou, la glisse nous sépare.
Je me dis qu’il faut que je la retrouve, que je lui propose un verre en fin de journée, tard sans doute, après avoir couché les enfants. Je me dis qu’il faut que je repère l’endroit où la BSA loge sur le village, j’arrive à trouver l’adresse avec mon blackberry, dernier lien connecté à la civilisation. Je me dis qu’il faudrait que je la recroise sur les pistes ou que je m’aventure près de leur résidence, je me dis des tas de choses mais je ne la recroiserai plus sur les pistes et ne trouverai pas le temps de m’évader (plein de bons prétextes pour m’éviter de me confronter à un échec).
De toute façon, il est trop tard.

Pour vous, chers lecteurs, il n'est jamais trop tard !

[872] Louis & the (remontées) mechanics (3)

Présomptueux que j’étais ! Je pensais mettre à profit cette semaine au ski pour vous écrire des tartines, finir les récits laissés en suspens, bref, préparer de quoi vous inonder de notes.
J’oubliais qu’une semaine de vacances au ski, c’est réveil tous les matins vers 7h30 (personnellement, ça fait 10 minutes plus tôt que mon horaire de boulot) tous les jours même le week-end, un certain nombre d’heures sur les planches, et des discussions philosophiques jusqu’à trop tard autour d’un vin chaud.
J’oubliais qu’une semaine de vacances au ski avec des enfants, c’est la même chose en trois fois plus complexe pour la logistique et la discussions philosophique que l’on remet à des vacances plus calmes, impatients que l’on est tous de se glisser au chaud dans son lit pour y trouver enfin le repos.

J’ai quand même trouvé le temps de finir La mécanique des femmes de Louis Calaferte dont je vous retranscris mes derniers extraits choisis.

— Tu veux que je me redéshabille ?

— Je marche devant toi, tu me regardes et tu penses que je fais l’amour.

Dans la voiture qui roule.
— Je veux que chaque homme avec qui je vais m’apprenne quelque chose. Toi, qu’est-ce que tu vas m’apprendre ?

— Dis-moi un mensonge.
— Je t’aime.
— Salaud.

Devant le petit déjeuner dans un fauteuil trop profond pour elle, le visage encore barbouillé par la nuit d’insomnie, les seins nus sous mon veston jeté sur ses épaules.
— Si j’étais très puissante, j’aurais un immense château avec des esclaves qui me serviraient chaque matin mon petit déjeuner et quand ils s’approcheraient de moi je les branlerais un peu pour qu’ils soient tous durs. Ensuite, ils s’aligneraient devant moi et je sucerais mes tartines en les regardant.

Cette après-midi en t’attendant, j’étais merveilleuse de noir et de rouge, tout en soie.

Somptueuse dans une robe courte d’un brun léger, ses cuisses découvertes à demi, la longueur nerveuse de la jambe jusqu’au pied mobile sur les pédales de la voiture dans une ravissante chaussure assortie.
— Tu as vu ce monde fou, ce soir ?
La circulation est en effet si dense qu’elle oblige à aller au pas.
— Imagine. Je m’arrête en pleine avenue et je te suce. Surtout toi qui es long à venir. Ça ferait quoi ?
Au volant, sa langue tirée.
— Dès que je pense à sucer, j’ai des fourmis au bout de la langue.

Elle écrit :
Sois une bite dressée pour moi. Je te ferai jouir de mes larmes qui, lentement, te branleront.
Et mes cheveux tout fous glissent sur tes lèvres, ton sexe, dans une immense douceur
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-=-

Je me suis découvert, en lisant ce livre, des émotions communes avec son auteur, des divergences aussi, mais peu importe, le plaisir de la lecture ne tient pas qu’à l’identification avec les personnages, fusse le personnage (principal mais) invisible qui relie toutes ces femmes, comme un catalyseur, femmes dont on aperçoit, pour chacune une pièce – à peine un rouage – du mécanisme, obscène et fascinante.  Mais surtout, ce qui ressort pour moi de cette lecture, c’est cette soif érotique signifiée si vivement par ces femmes, cette affirmation brutale de leur désir que j’avais l’impression de n’entendre autour de moi qu’en sourdine, couverte par le brouhaha des mâles (à commencer par moi) exprimant les leurs, et qui me donne envie de mieux tendre l’oreille pour n’en pas perdre un mot, la choyer, la laisser s’épanouir au sein de mes bras accueillants et, avouons le, intéressés.


Illustrations : Cristian Crisbasan, Jan Saudek, Olga Malysheva, Aeric Meredith-Goujon, Emma Nygren, Ryan MacGinley et deux autres photographes que je ne sais créditer faute de référence.