[18] Argentrique

Voilà déjà quelque jours que nous nous connaissons, que nous avons découvert chacun le goût de l’autre. Nous nous connaissons bien, oui, et dès notre première nuit ensemble nous avions presque l’impression d’être amants de longue date. Nos corps, nos âmes, s’appelaient avec force depuis déjà plusieurs semaines, avec l’impression que ce qui nous avait réuni cette semaine était écrit depuis longtemps sur notre chemin de vie.
Hélas, le temps de la découverte s’éloigne à mesure que le temps de l’éloignement s’approche ; nous ne savons pas encore quand aura lieu notre prochaine rencontre, mais nous voulons, ce soir, après avoir gravé dans nos chairs le souvenir de l’autre, faire une copie de sauvegarde à travers l’œil de l’objectif.

medium_photohotel.jpgDans notre chambre, j’ai amené ce soir mes deux appareils. J’ai chargé mon reflex Canon d’une pellicule Noir & Blanc sensible, pour éviter si possible l’utilisation du flash, mais j’ai quand même apporté ce dernier. J’ai pris plusieurs objectifs, mon 105 macro, mon 50 à grande ouverture, mon 28-105 passe partout.
J’ai pris également mon petit Yashica, chargé lui en pellicule couleur (800 ISO). Son atout principal de ce soir, c’est son double viseur, qui permet de cadrer sans nécessairement le tenir de manière conventionnelle.

J’ai pris un trépied. Je complète le tableau avec ma petite télécommande qui permet de déclencher le reflex à distance.

J’ai posé tout ce bazar sur une table, je te prends par la main, puis dans mes bras, je te plaque contre moi et je te murmure à l’oreille « allons prendre une douche ! ». On ne se le dit pas deux fois. Chacun déshabille l’autre, avec les mains et la bouche. Nos corps hurlent déjà de désir, tu t’amuses à branler rapidement ma queue, juste pour voir si elle peut se faire un peu plus dure encore, je mets sans vergogne mes doigts dans ta chatte déjà gorgée de cyprine. Je goûte ta production de ce soir, et nous filons sous la douche.
Nous jouons avec le savon à explorer chaque parcelle de notre corps, oui, entre les orteils ça chatouille, à l’intérieur des cuisses, entre les fesses. Je caresse doucement ton anus, tu apprécies, désormais, ce recoin de ton corps auquel je t’aurais initié (cela me gonfle d’orgueil, M., comme ça m’excite de savoir que j’aurais été là pour toi un précurseur), et tu me rends délicieusement la pareille.
Nos cheveux sont mouillés, mais volontairement nous ne le séchons presque pas, pour l’effet photographique, et laisser la chaleur de nos ébats faire le travail du sèche-cheveux ; il n’y a que ton sexe qui reste rétif à toute tentative d’assèchement !

Je m’en remets à ton talent pour commencer la séance de prise (oh, de prise ! hummm comme ce mot à une exquise double résonance à mes oreilles !). Je suis ton modèle, et tu saisis l’appareil photo, me diriges, et commence à shooter. « J., tu es sûr d’avoir pris assez de pellicules pour la soirée ? ». Je te rassure, il y a quatre rouleaux de N&B et autant de couleur. Sur le lit, à genoux, debout, jeux avec le miroir… Je me sens beau sous ton œil de métal et de verre.
Puis vient ton tour, je veux cueillir ton sourire, mon aphrodisiaque ! ton dos, tes fesses, tes seins. Ton nombril ! ton sexe, tes pieds ! Sois indécente ! Sois prude ! Fais moi la gueule, pour voir ? Fais moi bander, M. ! Quelques mises en scène décalées, pour rire un peu… Un peu de fétichisme aussi.

Après ces préliminaires individuels, place aux choses sérieuses et au choc de nos corps.
Assez naturellement, puisque c’est toi qui offrais ta provocation à mon regard, c’est vers ton sexe que ma bouche s’avance. Tu t’empares du Yashica, tu ne te concentres pas du tout sur mes caresses (pourtant tu sens bien cette sourde chaleur entre tes jambes), et ton regard fait le tour du viseur. Tu me demandes de reculer la tête, de ne plus plonger en toi. « Sors la langue, J., pointe la vers mon clitoris ». Je m’exécute docilement, et j’entends le premier déclic.

Je suis partagé entre l’envie de te faire plaisir, et celle d’être photogénique ! Arrives-tu toujours à te concentrer M., si j’introduis doucement un de mes doigts dans ta chair. Veux tu fermer les yeux et le sentir progresser en toi, veux tu les ouvrir grands et observer dans le viseur l’image résultante ? Clic ! j’entends un déclic en réponse à ma question intérieure. Faut-il utiliser le trépied, maintenant ? Pourquoi pas… Je le mets en place, cadre la scène de nos ébats, et prend en main la télécommande… On essaye quoi ? un coup de flash ? un effet de bougé ? une pause longue ? un zoom ou un panoramique ? Tu es allongée sur le lit, et l’appareil te cadre, de gauche à droite, sur toute la longueur de ton corps ; je me mets à genoux, sur ton flanc, je suis face à l’objectif, et mes deux mains sont sur ton corps. Celle de gauche est entre tes jambes, l’autre navigue entre ton cou et tes seins. Tu prends ma queue dans ta main, et tu la tiens fermement, comme un étendard. De l’autre, tu tiens la télécommande, tu ajustes, tu déclenches. « Pourrais-tu jouir si je te branle, J., jouir face à l’appareil ? ». Non, pas si vite M., on commence tout juste à s’amuser ! Pas grave, tu me branles quand même… Tu te redresses, tu me prends dans ta bouche, et tu me fais les caresses les plus démentes, celles dont tu sais qu’elles me font vibrer… M., démone, je vois bien ton jeu ! Clic ! tu essayes de me faire jouir trop vite… Tu veux me faire mentir… Je ne vais pas me laisser faire, que crois-tu… Je profite d’abord un instant de ce moment, impossible de trop résister, et à quoi bon… Je sens le plaisir monter, mais je le contiens, je l’empêche d’atteindre the point of no return ! Tu me suces toujours avec fougue, et je décide de te déconcentrer un peu, d’abord, d’une main, qui part entre tes fesses, qu’elle caresse… elle plonge plus bas, s’humidifie entre tes lèvres, et reviens sur ton petit trou qu’elle taquine, doucement, puis s’y introduit… Hummm oui je sens que tu perds un peu de ta concentration… mon autre main court le long de ton ventre et descend jusqu’à ton sexe… Petites caresses concentriques (con sans trique ?) autour de ton clito… Hum tu miaules, tu es beaucoup moins assidue, M. …. Clic ! Ça alors, tu as quand même trouvé la concentration nécessaire pour déclencher !
Notre position est tout de même assez incommode… J’ai envie d’être en toi maintenant… De mes mains je t’écarte de ton ouvrage : ma queue, dressée, luisante de ta salive. Je te mets à genoux, face à la caméra, dont j’ai modifié la position… Elle est beaucoup plus proche, et embrasse en légère contre-plongée tes cuisses, ton ventre, tes seins, ton visage. Je me suis mis derrière toi, et, juste pour la photo, juste pour cette photo, je n’ai pas encore mis de préservatif, ni vert, ni rose, ni noir, non, juste ma chair crue, qui fait mine de s’enfoncer dans ta chair crue, comme sur cette photo qui nous avait plus à tous les deux. Nous sommes tous les deux tendus dans l’instant, à la fois pour cette photo que nous voulons brute de désir, et belle dans sa crudité, et également pour ce plaisir que nous ressentons tous les deux, celui de nos deux sexes allant à leur rencontre… Fin du jeu, avec délicatesse tu fais glisser sur mon sexe un préservatif –tiens, un endurance !- et on reprend ainsi la même position, la même photo, pour pouvoir comparer la différence ; puis une autre, où je suis plus enfoncé dans ton sexe, enfin une troisième où mon sexe ne peut pas aller plus loin…
Changement de plan… J’adore ces jeux photographiques, ils me permettent de répéter encore et encore ce moment que j’adore où je te pénètre… Cadrage moins direct, position plus douce, l’image que nous allons faire maintenant doit être celle d’une union entre deux êtres qui se désirent, et qui partagent un moment d’harmonie et de tendresse. Pas besoin de se forcer, c’est bien ce que l’on ressent ! Nous espérons que cela transparaîtra sur les photos, mais rien n’est aussi peu évident, en photo, que de fixer sur le papier des émotions vivantes. Nous nous passons l’un l’autre le Yashica, au fur et à mesure que l’on fait varier la forme de notre étreinte… Je ne dresse pas ici le récit exhaustif de notre Kamasutra… il faudra, lecteur, lectrice, que tu l’imagines ou que tu le vives !
Fixera-t-on la grimace de l’orgasme ?
Verra-t-on mon sperme sur nos peaux ?
Quelle sera la tête du vendeur qui nous remettra nos photos ?
Le résultat sera-t-il à la hauteur de nos espérances, à la hauteur de cette nuit magique où nous aurons joui tant de fois de l’autre, et pas seulement pour les photographies ?

[cru 2002]


Illustration : l’auteur, et son Yashica, Lyon.

[16] Méfions-nous de Word©

medium_fellisorthographe.jpgAmi lecteur,

Ton orthographe est déplorable.

Ton orthographe est déplorable, mais tu es conscient qu’un texte truffé de fautes, ça la fout mal, que ce soit pour séduire ta belle (tout le monde n’est pas comme Christian avec un Cyrano sous la main), ou faire un rapport important à ton patron (lecteur ami & néanmoins fonctionnaire, je te prie de m’excuser pour mes clichés, et tu peux remplacer le mot « patron » par « président » ou « ministre »).

Donc, tu te dis – et je ne te donne pas tout à fait tort – que tu vas utiliser le vérificateur d’orthographe intégré de Word pour éviter les coquilles.

Et là, je dis « méfiance » et t’offre quelques suggestions pour éviter d’affreuses chausse-trapes, qui pourrait t’apporter le mépris de tes pairs (et le mien en particulier).

Les problèmes viennent généralement d’homonymes ayant une orthographe proche, mais des sens voire des fonctions grammaticales totalement différentes (NB : c’est le cas de la plupart des homonymes d’ailleurs). Word étant très basique ni verrat queue du feux.

À tout saigneur toute horreur

Commençons par le pire de tous, commençons par çà.

Je pourrais dire pour simplifier que çà n’existe pas. Quitte à ne mémoriser qu’une orthographe, ami lecteur paresseux, ne retient que ça, sans accent, et on n’en parle plus.

Si tu souhaites aller un peu plus loin, tu ouvres un dictionnaire, et tu trouves que ça est l’abrév. fam. du pronom démonstratif neutre cela dont la définition est « La chose, l’idée, les paroles que voilà ».

Et voilà, en effet, l’explication de cette faute provient probablement de sa définition : on pense à voilà et on y met le même accent grave.

Quant à çà, le dictionnaire nous apprend qu’il s’agit d’un adverbe de lieu (forcément, on a un peu honte de confondre un adv. de lieu avec un pron. dem. neutre. Non ? Ah ben ben merde alors. L’orthographe française, aime-là ou quitte-là : retourne au Bled), synonyme d’ici.

Un exemple dans cette fameuse charade à tiroirs :

Mon premier va çà et là
Mon second est employé de La Poste
Mon troisième ne rit pas jaune
Mon quatrième n’est pas rapide
Mon tout est l’auteur de
La Légende des Siècles

(Soluce : Errant-Besancenot-Boucher de la Villette-Projet socialiste)

Mon conseil ci-dessus doit déjà avoir été donné parce que ça fait plusieurs fois que je vois écrit dans le journal « ça et là ».

Çà a un petit frère moins profus (car Word© lui fait la peau), c’est celà, oui. Empathie patente avec voilà.

Cyprès de toi, mon dieu

Même genre de faute, avec son accent malheureux, faîtes. Souvent, pensant bien faire, on ajoute des accents circonflexes à profusion. Ça s’appelle de l’hypercorrection. Donc, ne faites pas cette faute-là, faîte désigne le sommet d’un édifice, d’un arbre, d’une montagne, blablabla.

French connexion

Je l’aime bien, celui-là, parce que je me suis un moment demandé pourquoi Word© laissait passer « connections ». Une faute classique en informatique, où ça connecte de partout. D’abord parce qu’en anglais, connexion s’écrit connection.

Alors, ami lecteur, as-tu deviné toi aussi pourquoi ce gros lourdaud de Word© acceptait connections mais refuse connection ? Eh bien tout simplement parce que connections est une forme conjuguée existante du verbe connecter.

ex : Longtemps, nous nous connections de bonne heure (Marcel Proust in Minitel mon Amour – 1985).

 

Élisions douteuses

Pour finir cette note qui malgré mes efforts va finir par devenir indigeste, j’aborderai le délicat cas de l’élision souvent confondue avec le « t » euphonique.

Il ne faut donc pas confondre « t’ » où l’apostrophe signifie l’élision de la voyelle finale (je te aime => je t’aime) et « -t- » où le t n’a aucune valeur sémantique, ce n’est pas le pronom « tu » abrégé, ni quoi que ce soit d’autre d’abrégé, c’est juste pour faire joli à prononcer (eu-phonique : qui sonne bien à l’oreille) entre deux voyelles : « Écoute-t-il ce que je dis ? ».

En s’amusant avec Google, on est ravi par les nombreuses variantes imaginées pour écrire « Y a-t-il … ».
Y’a t’il ? Y-a-t-il ? Y a t-il ? Y-a-t’il ? Mathématiquement, en combinant espace, trait d’union et apostrophe, on peut arriver à 27 graphies différentes. Malheureusement, une seule est correcte, et si tu y vas au pif, ça ne laisse que 3,7% de chance de tomber sur la bonne.

 

PS : ami lecteur, lisant mon burp plein d’arrogance, tu n’hésiteras sûrement pas à m’allumer pour les fautes que j’aurais laissées çà ou là (car je suis faillible, hélas), et ça sera bien fait pour ma gueule.

[15] Épiderme-man

medium_cap1.4.jpgJe m’appelle Andreas.

L’auteur de ce burp a trouvé ma photo il y a plus de 6 ans, dans un newsgroup qui diffusait des photos fétichistes. À l’époque, c’était chouette, les newsgroups, pour trouver du porno. Maintenant, il suffit de claquer des doigts pour trouver immédiatement de quoi les occuper à autre chose. Ça en pert tout intérêt. Du coup on les occupe à autre chose d’encore plus pervers ; on se met à les faire courir sur le clavier pour roter des burps, et on se noit dans la burposphère comme d’autres sombrent dans l’alcool ou dans Meetic. Mais je m’égare.

D’habitude, l’auteur de ce burp il fantasme plutôt sur les bas nylons (c’est d’un banal, excusez-le, le pauvre), sur des pieds gainés de noir qui se promènent sur une queue raide, mais là, en tombant sur ma photo (je me fous pas mal qu’elle se balade sur le net, c’est pas demain la veille que mon collègue de bureau me reconnaîtra), et ben un univers s’est ouvert à lui. On pouvait donc fantasmer sur les héros de Strange après 11 ans.

Cet univers s’est ouvert à lui, mais il a préféré rester dans sa rame, ce con.

Je m’appelle Andreas. On dirait que j’ai une petite bite, mais c’est parce que je ne bande pas. J’attends Mary-Jane. Faut pas rigoler devant la petitesse d’un zizi pas gonflé, y’a aucun rapport entre la taille du sexe avec et sans érection. J’ai déjà eu le sexe deux fois plus petit que sur ce qu’il semble être sur cette photo. Je sortais d’une baignade dans un torrent de montagne, faut dire, et malgré mes copines randonneuses, je ne la ramenai pas. Mais attendez un peu que Mary-Jane se pointe. Il n’y a pas que de mes poignets que jaillit le fluide.

Je m’appelle Andreas, et c’est Dennis qui a pris cette photo. Il était chouette dans son costume de Surfer d’argent. Mais c’est une autre histoire…

[14] Ode à l’X

Baisons, mon amante ! Baisons.
Baisons puisque nous trouvons cela bon. Baisons tant que nous en jouissons.
Prends mon sexe dans ta bouche, sens-le durcir sous ta langue, sens-le palpiter, c’est mon cœur qui bat. Sens le se raidir, se tendre, et cracher ma semence. Bois-là, puisque tu l’aimes.
Baisons !
Ouvre tes cuisses pour que mes mains y fondent, cambre toi pour coller ton sexe sous mon nez. Tiens moi par la nuque pendant que je te lèche, attire-moi vers ton gouffre, et ne me relâche pas tant que ton désir n’a pas explosé.
Baisons !
Promène ta main le long de mon torse, ma peau est douce, comme l’est ta caresse. Mordille moi mes seins d’homme ; ils n’ont pas l’allure fière des tiens quand ils se dressent, mais ils apprécient tes baisers mouillés. Pose ta joue sur ma poitrine pendant que mes doigts démêlent tes cheveux. Puis murmure à mon oreille quelques mots obscènes. Vois mon sexe se relever pour repartir à la bataille.
Baisons !

[13] Traces

Il y a d’abord, simple, l’odeur de ta peau, agrémentée du parfum que tu portes, et qui se mélange à la mienne, quand nos corps se frottent.

Elle s’élimine facilement avec un peu de savon, si possible lui-même non parfumé. Elle est également couverte par l’odeur de ma propre transpiration.

Il y a, plus forte, plus tenace, l’odeur de ton sexe qui se glisse sous mes ongles quand je te caresse intimement. Celle là mérite un traitement plus sérieux ; savon, et brosse à ongles. Il en reste souvent un peu. Éviter de glisser les doigts sous le nez de celle qui ne doit pas savoir.

Éventuellement, il y a celle des cosmétiques (le rouge à lèvres, par exemple), que la douche enlèvera, et sinon qui partiront avec un coton démaquillant.

Ensuite, il y a celles qui ne peuvent être éliminées que par le temps.

Une griffure.

Une rougeur, comme celle qui ornait hier soir mon gland (un coup de dent mal maîtrisé ?).

La plus anodine, mais pourtant la plus confondante : les rougeurs d’irritation au niveau des genoux, vers l’intérieur, qui stigmatise des opérations à genoux au sol répétées (que ce soit de la moquette ou des draps, le résultat est quasiment le même).

Ne pas négliger celles laissées dans la tête. Ne pas arborer un air trop extatique, ou méditatif…

Un petit texte sorti du placard « 2003 »