[1032] Kiss me! Kiss me! Kiss me!

J’ai toujours aimé cet album de Cure qui n’est pourtant pas celui qui fut le plus couvert d’éloges.
Le morceau Snakepit est un petit bijou planant dans lequel j’aime bien perdre mes pensées.
Mais à vrai dire, je n’en parle que parce que c’est les premières notes de cette chanson (éponyme de l’album) qui me viennent en tête devant cette image attrapée chez le cabinotier.

Une jolie pipe en noir en blanc, lèvres suceuses légèrement colorisées

Je retourne à mes rêves, n’hésite pas à m’y rejoindre…

[1031] Le fantôme de l’amante amputée

Le cœur était endommagé, le cerveau donnait des signes de faiblesse, le sexe menaçait. Les plus grands spécialistes étaient formels, il fallait amputer. Dans une ultime lettre, je scellais donc mes adieux à O*** pour évacuer de mon esprit toute tentation de dessiner un avenir avec elle, quel qu’il soit, puisque nos positions ne semblaient pas, à cette heure, être conciliables. Son silence, en retour, valait tacite et entière acceptation du modus operandi et il n’y avait plus qu’à réapprendre à avancer, à désirer, ainsi amputé.

Les premiers pas furent aisés à accomplir, gonflé par le communicatif enthousiasme médical. Après des semaines de pierre, je me sentais enfin renaissant. Je lançais au vent léger les premiers semis de mon printemps sensuel, toquais à quelques portes pour voir si de l’autre côté, d’anciennes amantes pouvaient sortir d’hibernation un désir pour moi dont elles aussi avaient dû faire le deuil, et je laissais s’effacer un peu plus chaque jour sous la douche l’encre noire de ma passion mutilée.
La convalescence se déroulait comme prévu. Parfois, à la faveur de la fatigue, une réminiscence se faisait douloureuse, mais le mal était dompté, il passait comme il était venu et les yeux restaient secs.
Et puis j’ai croisé son fantôme, à une soirée. Sa présence était d’autant plus ironique que c’était une soirée où j’espérais bien y croiser quelques paires de jambes qui allaient m’aider à remarcher plus vite. Je fus surpris de le croiser, et pourtant c’est bien moi qui l’avais amené à cette soirée, bras-dessus, bras-dessous. Personne n’osait dire un mot, me demander ce que je faisais avec cette absence accrochée à mon bras, mais personne n’avait bien envie de sentir de trop près le souffle du spectre.
Je redoutais qu’il s’immisce, quelques jours plus tard, dans cette chambre d’hôtel où j’avais rendez-vous avec Y***, qu’il obère le désir que je portais pour cette femme qui m’offrait son corps. Il y avait, dans cette rencontre, un enjeu qui ne concernait que moi, celui de destituer O*** de son statut de « dernière amante en date » qui me pesait chaque jour davantage, et je craignais que l’ombre froide m’empêchât à nouveau de me sentir libre de baiser comme elle avait, le vendredi précédent, éteint la flammèche de mon élan vers A***. Heureusement, le fantôme était resté à la porte de la chambre n°800 ; j’avais permis à Y*** « de se sentir femme », elle m’avait permis, et le défi n’était pas moindre, de me sentir à nouveau amant jouisseur.

Ce qui m’avait surpris le vendredi d’avant fut en revanche une évidence le vendredi suivant, où j’étais invité à une nouvelle soirée. Le fantôme allait être de la partie, comme si, sur le carton d’invitation figurait en lettres grasses « O*** n’est pas invitée ». Pourtant, cent fois dans ma tête, elle était ma cavalière, que j’aurais croisée par hasard à l’apéro où je me suis rendu deux heures avant la fête, ou qui aurait été invitée malgré la consigne tacite qui doit se chuchoter entre mes amis « Si Jérôme vient, on ne peut pas inviter O*** ». Comment oublier O*** si la moitié des personnes que je croise la connaissent, pour certains la côtoient ?

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Personne ne m’aura parlé d’elle. Bravo !

Kazuki Takamatsu - Target

Chaque jour depuis je m’afflige de cette présence en creux. Je n’ai pas de solution pour lui demander de s’éloigner de mes pensées aussi facilement que je l’ai effacée de mon répertoire téléphonique. L’amputation n’a pas tranché assez profond, presque tous les amis à qui j’ai présenté O*** l’ont adoptée aussi facilement que je l’ai chérie. Faut-il que je coupe aussi les liens avec eux ? Combien de temps encore vais-je devoir endurer cette absence en serrant les dents ? Quelle cure vont me prescrire mes médicastres si je leur annonce que je n’arrive plus à leurrer mon cerveau en lui faisant avaler que O*** est radiée de ma vie alors que je suis toujours resté fidèle, en pensée au moins, à mes amours anciennes ? Et O*** – pas son fantôme, non, O*** – qui elle-même n’arrive à se tenir à distance de moi que par intermittence, quelle indulgence aura-t-elle pour mes faiblesses ? Me croira-t-elle si je lui dis que je ne suis, certes, pas totalement guéri, mais suffisamment remis pour éviter une rechute et voudra-t-elle aujourd’hui de cet après souriant qui fut promis ?


Illustration : Kazuki Takamatsu – Target

[1030] Pâques-man

Une jolie paire d'œufs de Pâques

Ah ! Mesdames, Messieurs (je précise Messieurs sinon plikplok va encore me chercher des noises), c’est le moment de retrouver votre âme d’enfant et de retrouver l’excitation de la chasse aux œufs.

J’en profite pour rappeler ce message d’importance : don’t neglect the ball!

[1027] Ethnologie

Il m’a fallu des années pour réussir à les approcher, gagner leur confiance, être accepté comme un des leurs. Le témoignage que je vous rapporte aujourd’hui est le fruit de ce patient travail d’infiltration.

J’étais donc à une soirée avec des libertins. Il s’agissait, dans le vocabulaire de cette ethnie, d’une soirée dite « verticale », par opposition aux soirées dites « horizontales », c’est-à-dire que les gens sont supposés être debout, éventuellement assis, en train de danser, discuter plaisamment un verre à la main, s’enfiler des mojitos fraise mais pas s’empiler les uns sur les autres en introduisant des membres saillants dans des orifices. Il n’est pas aisé, au premier regard, de faire la différence entre une soirée verticale avec des libertins et une soirée normale de gens normaux. Dans les deux cas, pour peu que la compagnie soit plaisante et que l’alcool coule à flot, on s’amuse bien. C’était le cas. Ça tombait bien, parce que ce soir-là, j’espérais bien m’amuser. J’avais la vague intention de draguer la gueuse si l’occasion m’en était donnée (elle me le fut, mais je ne sus la saisir), mais cela ne m’empêcha pas de passer des heures agréables. Pour ma part, j’avais ingéré une quantité non négligeable de rhum sous différentes formes (toutes liquides, cependant), et afin de rentrer chez moi en scooter en une seule pièce, je baissais le coude et profitais de l’ambiance (vous excuserez mon immodestie légendaire, mais c’était quand même nettement plus cool de danser sur ma musique que sur le hit parade d’Europe 1, millésime 1982). Les heures s’écoulaient, légères, et progressivement, les gens normaux, n’ayant pas la même horloge biologique que les libertins (cf. les travaux publiés par MM. Klitberg et Reddick in Nature n°2836, février 2007) rentraient se coucher paisiblement tandis que les libertins, l’air de rien, attendaient que le dernier indigène s’éclipsât afin de faire basculer subrepticement la soirée en mode horizontal. (suite…)

[1023] À côté de la plaque

Je vous parlais il y a deux ans déjà, dans un article sans doute polémique qui avait donné lieu à un débat presque aussi enflammé que dans mon billet sur l’affaire Mérah, des nouvelles plaques d’immatriculation françaises et de la disparition annoncée du numéro de département qui avait fait pleurnicher les départementalistes de France et de Navarre (enfin, surtout de France), lesquels furent heureusement sauvés de leur chagrin par la possibilité qui leur fut offerte de faire apparaître, sur la droite de la plaque, le numéro de leur département chéri, auquel s’ajoute le logo de leur région adorée. Ouf !

Ce que je n’avais pas anticipé, et que je constatAutocollant à l'aise breizhe aujourd’hui, maintenant que les nouvelles plaques pullulent, c’est que, puisque cette indication du département est facultative et non contrôlée, eh bien des tas de gens choisissent un autre département que celui où réside leur tuture. Incredible!

Du coup, chacun y va de son département coup de cœur, et vas-y que je choisis la Corse (super cote), vas-y que je te prends mon département de naissance, celui où j’ai passé mes plus belles vacances, le Rhône parce que je suis un obsédé sexuel, etc. Désormais, le Breton déraciné n’est plus obligé de se contenter de son sticker À l’aise Breizh, il peut également se numéroter 22.

C’est beau, le progrès.

PS perso à ma 106 : T’inquiète pas, titine, je vais pas te changer ni changer ta plaque. Toi, tu as la plus belle immatriculation du monde, les taches de cyprine de L*** sur le siège avant et la banquette arrière.