[283] Je tique (c’est minable)

En ces temps de campagnes électorales, on n’en est plus à une promesse douteuse de plus.

Vous avez probablement pu croiser récemment une de ces affiches pour Meetic, le site de rencontre le plus populaire en France (à ce propos, une amie me confiait qu’un article audacieux prévoyait la mort des sites de rencontres, qui seraient remplacés par les burps… qu’en pensez-vous ?), qui, voyant le printemps arriver précocement, décide de réveiller un peu les hormones mâles en les appâtant comme suit :

Publicité Meetic
« On va gagner du temps : moins de 30 ans, s’abstenir » dit l’accroche

 

Je te rappelle, ami lecteur, que Meetic est un site de rencontre où seuls les hommes payent. Les femmes y constituent donc un produit d’appel (je rappelle que le but de Meetic est de gagner de l’argent, c’est un site commercial, favoriser les rencontres n’est qu’un effet collatéral) et l’homme à la recherche de la partenaire idéale pour une nuit ou pour la vie va donc commencer par payer pour espérer la trouver.

Meetic a donc lancé sa campagne avec ces portraits frontaux de jeunes femmes, semblant toutes avoir environ 25 ans, toutes plutôt mignonnes voire plus que mignonnes, souriantes, blanches (enfin caucasiennes, quoi). On voit bien que l’annonceur n’est pas allé jusqu’à prendre des top models super canons, mais a choisi du girls next door plutôt haut-de-gamme.

Ajoutons à ça des accroches sur le ton humoristique, gamme pathétique (A***, si tu me lis, j’espère que tu n’as pas trempé là dedans). Celle qui décroche le gros lot, c’est celle-ci (je cite de mémoire) : « Parmi mes qualités : je ne sais pas faire la cuisine et je déteste les tâches ménagères ». Y a vraiment pas de quoi être fière.
Bref, de la jeune femme, fraîche et moderne, t’en veux ? Le rêve est à portée de bourse (environ 30 €/mois : je viens d’aller voir les conditions générales sur le site ; il y a quelques mois, impossible de savoir combien ça coûtait sans s’inscrire – et je ne m’y suis jamais inscrit). Le rêve, oui. Parce que dans la réalité, petit homme, tu ne rencontreras que des femmes normales, avec leur petit lot de névroses (mais tu as les tiennes) et la majorité d’entre elles ne seront pas aussi jolies que les mannequins choisies pour la pub.

Je trouve fort déplaisant l’idée que, dès le départ, la relation est faussée entre homme et femme, les premiers payant pour communiquer (et, fatalement, cherchant à amortir (sic) leur investissement : payer pour niquer, commu- passera à la trappe), les secondes, ravies de se voir désirées par tant d’hommes piaffant d’impatience, se prenant pour les reines du monde. Que de déceptions, après ces accumulations de non-dits, de mensonge, d’inégalités.

Évidemment, quelques belles rencontres. Évidemment.
Vive la baise 2.0.

 

[281] Je roule pour …

Court-circuit croquignol dans la newsletter de l’Internaute du 18/02/2007.

On ne relèvera pas le niveau atterrant de l’acroche de l’article en une (une bagnole n’a pas à être à la hauteur d’une ambition politique ; est-ce que je vous demande si ma 106 est à la hauteur de mes ambitions sexuelles ?!)…

Newsletter l'Internaute

…mais on sourira à la proposition de co-voiturage en s’amusant à imaginer un bout de route avec machin ou bidule (géographiquement parlant, je risque plus de me faire faire un prélèvement ADN dans la Vel Satis de fonction du Neuilléen que de causer union de la gauche avec Besancenot, mon frère en 106 !).

[279] Vocabulaire (étendre son)

Je suis allé récemment au spectacle d’Armelle, une comique paraît-il assez connu (« vue à la télé »), en tout cas assez drôle et décalée, et portée sur la chansonnette.

En clôture de son spectacle, elle m’a fait découvrir cette chanson de Colette Renard que je vous propose de lire et d’entendre.

Les nuits d’une demoiselle

Que c’est bon d’être demoiselle
Car le soir dans mon petit lit
Quand l’étoile Vénus étincelle
Quand doucement tombe la nuit

Je me fais sucer la friandise
Je me fais caresser le gardon
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picorer le bonbon

Je me fais frotter la péninsule
Je me fais béliner le joyau
Je me fais remplir le vestibule
Je me fais ramoner l’abricot

Je me fais farcir la mottelette
Je me fais couvrir le rigondonne
Je me fais gonfler la mouflette
Je me fais donner le picotin

Je me fais laminer l’écrevisse
Je me fais foyer le cœur fendu
Je me fais tailler la pelisse
Je me fais planter le mont velu

Je me fais briquer le casse-noisettes
Je me fais mamourer le bibelot
Je me fais sabrer la sucette
Je me fais reluire le berlingot

Je me fais gauler la mignardise
Je me fais rafraîchir le tison
Je me fais grossir la cerise
Je me fais nourrir le hérisson

Je me fais chevaucher la chosette
je me fais chatouiller le bijou
Je me fais bricoler la cliquette
Je me fais gâter le matou

Mais vous me demanderez peut-être
Ce que je fais le jour durant
Oh ! cela tient en peu de lettres
Le jour, je baise, tout simplement

 

N’est-ce pas charmant ?

[277] 918 hectopascals

Je savais depuis longtemps combien l’addiction à la « virtualité » (appelons les comme ça, faute de mieux) des relations électroniques était consommatrice de temps. Que ce soit sur Minitel ou sur un site de rencontre internet, dès que l’on met un doigt dans l’engrenage, pour peu qu’on y croit et qu’on aime ça, on se retrouve rapidement à penser « il faut que je me connecte, il faut que je vois si X a répondu à mon message, ou si on ne m’en aurait pas laissé, ou si Y ne serait pas par hasard connecté en ce moment, j’ai justement des choses à lui dire, etc. »

Je savais aussi, pour l’avoir également vécu, qu’il existe (chez moi en tout cas) des périodes où ce besoin est exacerbé, d’autres où il se met en veilleuse.

Ce que je ne savais pas, c’est que mon incursion dans la burposphère allait me faire franchir un cran supérieur dans la dépendance.
Dépendance qui ne tient pas seulement au besoin de cracher ses émotions pour les partager, à l’attente fébrile des commentaires et à la surveillance des courbes d’audience ; dépendance surtout à la communauté qu’on a rejoint. Petit à petit, on accroche aux wagons de nouveaux liens, on noue quelques complicités puis les connexions se font, les burpeurs de mes burpeurs sont mes burpeurs, le réseau se densifie, et de quelques burps que l’on fréquente quotidiennement, on passe à la dizaine, et de la dizaine aux dizaines. Soixante treize, c’est énorme, soixante treize flux d’informations auxquels je suis abonné, soixante treize canaux me diffusant de l’information de différentes natures (cela va des sites à caractère professionnel aux sites hédonistes en passant par les informations politiques, les productions photographiques, les carnets de vie touchants…) à différents débits (de plusieurs dizaines de notes par jour à quelques unes par mois).

La différence, par rapport à ma dépendance « d’avant », c’est que si je ne me connecte pas pendant un jour, le lendemain, j’ai environ deux fois plus d’informations à lire et si j’attends deux jours je suis bon pour une triple dose de lecture.
Je ne veux pas (plus ?) perdre une miette des états d’âme de ***, des élucubrations de *** ou des envies érotiques si finement mises en scène par ***.

L’abondance a quelque chose de vertigineux. Il arrive fréquemment qu’arrivé sur un burp qui me plaît, je clique sur les liens qui y sont proposés à la découverte et ils sont souvent eux-mêmes intéressants. Il m’arrive aussi de ne pas cliquer malgré la tentation, malgré le « il y a sûrement des textes bien écrits là-bas » qui me titille, parce que je me dis que la corne d’abondance n’a pas de limite et que je pourrais me noyer plus encore sous cet océan de mots. Face à cette offre pléthorique, semblable à l’avalanche de romans à la rentrée littéraire, on ne peut que faire le constat – un peu amer – que l’on ne peut pas tout lire et que l’on rate forcément des choses plus enrichissantes que celles dont on s’abreuve déjà.

Subitement débordé ces dernières semaines par le boulot que j’avais auparavant un peu délaissé, m’étant laissé porter par l’oisive promenade sur la toile qui grignotait mes journées de travail, je subis comme une crise de manque. Je me sens morose et aboulique. Je sais que raisonnablement la seule solution est de réduire ma dose quotidienne, de réussir à rendre moins impérieuse l’envie de découvrir l’actualité de mes burps préférés, de réaménager (rééquilibrer conviendrait mieux) dans mon emploi du temps la part que je réserve à mon travail, à ma famille, à mes amis, à mes loisirs et à Internet.

Cesser la fuite en avant et faire naître cette envie.


Illustration sonore : Like spinning plates, un morceau de Radiohead réinterprété au piano par Christopher O’Riley (extrait de son album True Love Waits, consacré uniquement à des reprises de Radiohead, un très bel album que je vous recommande chaudement).

[276] Des morts

Seul à la maison depuis hier, j’essaye de meubler ma solitude soudaine comme je peux.
Habituellement (si on peut parler d’habitude), je profite des périodes (brèves, rares) où je me retrouve sans femme ni enfant pour donner un coup d’accélérateur à ma vie aventureuse. Si j’ai une amante, je la visite intensément, je dors chez elle, si elle veut bien (le luxe !). Si je n’en ai pas, je prévois un peu à l’avance et je tente de ponctuer ma semaine de quelques rendez-vous de prospection. C’était surtout vrai du temps où je fréquentais un site de rencontre.

Aujourd’hui, je suis coincé entre le tronc de mes résolutions de fidélité (thérapie oblige) et l’écorce du travail qui m’attend et que je repousse encore et toujours (et notamment : maintenant). Je m’occupe donc autrement.

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La Pieuvre, 1890

Hier, en revenant de la gare Montparnasse où j’emmenai mes trois femmes prendre le train des vacances, je passai à proximité du Musée Rodin et me dis que c’était l’occasion où jamais d’y voir l’exposition Les figures d’Éros. Demi-tour, créneau, visite. 

Petite exposition, en vérité, mais les dessins qu’on y trouve étant relativement (n’étant pas grand spécialiste, tu comprendras ami lecteur que je ne te donne ici que mon avis subjectif et peu éclairé, qui vaut ce qu’il vaut donc) répétitifs, il n’y avait pas lieu non plus d’en mettre des salles et des salles.

Quelques dessins m’ont ému, si bien que je déambulais dans le musée affublé d’un tiers d’érection, jetant un regard furtif aux autres visiteurs(-teuses, soyons honnête) dans l’espoir ténu qu’une d’entre elles me jette un regard qui puisse être une invitation à discuter de l’émotion érotique devant un café et plus si affinités. Espoir qui ne verra pas l’esquisse d’une concrétisation, comme tu le devines, ami lecteur.
Les quelques sculptures étaient, à mes yeux, nettement plus touchantes. Passage rapide à la boutique du musée, d’où je ramène ces petits clichés clin d’œil :

Rodin, l'éternelle idôle   l'éternelle idôle, de Rodin

₪ ₪ ₪

Revenons-en à nos moutons.

Pour meubler ma solitude, donc, j’écoute la radio.

Ce matin, en trempant mes tartines de brioche grillées et confiturées dans mon Tonimalt, j’appris donc la mort de Maurice Papon. À vrai dire, j’ignore dans quel état subsistait depuis 2002 Maurice Papon, libéré par application douteuse de la loi Kouchner qui vise à offrir aux prisonniers malades une fin de vie plus humaine (je dis douteuse parce que visiblement le Papon n’allait pas si mal quand d’autres continuent de crever en tôle). En tout cas, je sais que cette ordure n’avait non seulement nullement fait repentance pour le zèle anti-juif dont il fit preuve pendant la guerre, mais qui avait également ignominieusement organisé sa non-solvabilité pour ne pas avoir à payer les dommages et intérêts auxquels la justice l’avait condamné. Bref. Une ordure qui meure libre, j’aurais juste préféré que ce soit plus tôt. Notez que son avocat a encore l’indécence de faire son apologie post-mortem. Tout ceci est assez gerbos.

Sur France Info ce matin, en revanche, pas un mot sur la disparition de Robert Adler, quasiment au même âge (93 ans pour celui-ci, 96 pour celui-là). Ce brave Robert n’a (selon mes sources) fait embarquer aucun Juif dans un wagon à bestiau, mais a inventé la té-lé-co-mman-de. C’est tout de même une putain d’invention !

Aucun rapport entre les deux zigotos évidemment. 

Zappez.